Deuxième Partie - 2

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Habib

« Je choisis de t'aimer en silence...

Car en silence je ne trouve aucun rejet,

Je choisis de t'aimer dans la solitude...

Car dans la solitude, personne ne t'appartient, sauf moi,

Je choisis de t'adorer de loin...

Car la distance me protège de la douleur, je choisis de t'embrasser dans le vent...

Car le vent est plus doux que mes lèvres,

Je choisis de te retenir dans mes rêves...

Car dans mes rêves, tu n'as pas de fin... »

Rûmi

Cette attente m'était juste insupportable. Je ne savais plus où poser le pied. J'avais honte. J'avais peur. Jamais ma femme ne m'avait adressé un regard aussi vide. Elle était d'une équanimité bouleversante. J'aurais préféré qu'elle me crie dessus, qu'elle me demande pourquoi, même si je n'avais aucune explication tangible. Franchement, dans cette situation qu'avons-nous à dire « Je t'explique. Ce n'est pas ce que tu crois. » ? Et qu'est-ce qu'elle croit ? Qu'elle m'a vu sauter cette fille ? Chez nous ? Et elle... J'aurais dû tout admettre à Linguère depuis tellement longtemps. Elle m'aurait peut-être pardonné. Les choses s'étaient passées tellement vite. Je reportais toujours l'échéance pour lui avouer. Mais plus il grandissait, plus la situation empirait et plus je redoutais la réaction de Linguère. Et là, je n'avais plus le contrôle de rien du tout. Si seulement je n'avais pas oublié ces fichus documents à la maison. Si seulement je n'étais pas revenu chez moi aujourd'hui. Il a fallu que je gare ma voiture pour que Khady débarque de nulle part avec son « Faut qu'on parle ». J'avais tellement peur que les voisins me voient avec une autre femme que je l'ai précipitée dans la maison sans réfléchir.

- Alors parle, je dois partir.

- Tu me manques Habib.

- Khady, dis-moi vite ce que tu veux. Je venais juste chercher ces...

Quand je débitais ces mots, j'avançais vers le plan de travail de la cuisine pour prendre les documents en question et lorsque je me suis retourné, je... je... enfin je suis un homme (Je sais l'excuse bidon qu'on sort après avoir fait NOS BETISES D'HOMMES). Mais c'était ça. J'ai laissé mes pulsions prendre le dessus comme à chaque fois avec cette fille. J'aimais ce danger qu'il y avait dans notre relation. C'était à la fois flippant et excitant. Je vous explique Khady, c'est Belle, en ébène. Et lorsque je me suis retourné, elle avait laissé tomber son Trench évasé rouge, seul vêtement qu'elle portait. Elle était entièrement nue, devant moi, comme ça. Elle s'était rapprochée de moi sans crier gare. Putain qu'elle sentait bon. Sa peau était tellement douce, ses yeux de biche, ses lèvres pulpeuses. Elle n'avait rien que ma femme n'avait pas, mais avec elle c'était... différent.

J'avais essayé d'appeler Linguère à maintes reprises, mais en vain. Pourquoi l'ai-je laissée partir ? Où était-elle ? Que pensait-elle ? Que ressentait-elle ? Qu'allais-je bien pouvoir lui dire ? Et si elle découvrait que le problème était bien plus profond que ça ? Qu'allait-il se passer ? Pour nous ? Pour notre petite famille ? Être assis là comme un imbécile à attendre que ma femme revienne m'avait amené loin dans le passé. Ce fameux soir chez Mère Coumba, alors qu'on était encore des étudiants. La première fois où j'ai enfin osé lui parler. Ma douce et tendre Linguère. Je l'avais aimé dès le premier jour où je l'ai rencontrée, elle m'avait tout simplement envoûté. Elle était amie avec ma sœur. Et sa chute, oh mon dieu sa chute, j'ai fait appel à toute la maturité du monde pour ne pas rire ce jour-là. Elle n'aime pas quand je lui rappelle ce souvenir d'ailleurs. « Danga niak fayda yow, magal Habib » (Grandis). C'est ce qu'elle me dit à chaque fois qu'elle veut éviter le sujet. Il n'y avait pas ce truc de révérence absolue entre nous. On se respectait, certes, mutuellement. Et on n'avait même pas besoin de se le rappeler, le respect était là. Mais on vivait avant tout. On se marrait, on avait nos délires à nous. On était comme ces potes du collège, qui sont, tout le temps, collés et qui se partagent leurs pains à la récré. Ces acolytes qui se prenaient parfois la tête, mais revenaient se parler deux minutes après, en oubliant même qu'ils étaient en désaccord. Et l'une des règles qu'on s'était fixées à notre mariage, c'était de ne jamais dormir fâché, l'un contre l'autre. S'il y avait un problème, on le réglait avant d'aller dormir, à part quelques rares fois où l'égo prenait le dessus. L'un de nous entamait toujours la discussion « Bon on en parle, j'ai sommeil ? » Et on ne pouvait s'empêcher d'éclater de rire, tous les deux, sérieux zéro. Mais cette fois-ci, qui allait s'en charger. Je n'en avais pas le courage. Je ne pouvais pas ouvrir la bouche pour lui raconter encore une fois un ramassis de mensonges, car la vérité me l'enlèverait à tout jamais. Je n'imaginais pas ma vie sans elle. Celle que j'ai tant chérie. J'avais passé des années à l'aimer, en silence, à distance. Elle l'ignorait. Mais je voulais la préserver du connard que j'étais à l'époque. Pour moi j'avais trouvé ma femme, la mère de mes enfants, c'était évident. J'avais juste à espérer qu'elle m'attende. C'était égoïste, je sais. Mais je ne voulais pas la briser, vu comment j'étais à l'époque. Pas ma douce Linguère, pas elle. D'ailleurs, ça ne marchait même plus avec les filles que je fréquentais après que Dieu l'ait mise sur ma route. Je pensais tout le temps à elle. Je ne m'investissais plus dans mes relations. Je n'y arrivais pas. Je décidais alors, d'attendre avec elle. Je la surveillais dans l'ombre, je savais ce qui se passait dans sa vie. Je ne suis pas un harceleur je vous rassure, ni un obsédé d'ailleurs. J'avoue que j'ai usé de méthodes peu orthodoxes pour cela. Mais je ne voulais pas qu'un petit baveux me pique ma reine. Une fois j'avais écarté un petit prétentieux qui devenait un peu trop proche d'elle. J'avais attendu qu'il revienne de chez elle vers 20h et je l'avais interpellé si boppou kogn bi (au bout de la rue):

- Hey boy kay fi (Viens là petit)

- Ça va grand ?

- Oui ça va. Lo sex ak Linguère ? (Y a quoi entre Linguère et toi)

- Linguère damakoy kepp, avait répondu ce petit idiot frimeur sans savoir ce qui l'attendait. (C'est ma meuf)

- Ahn dang koy kepp. So moytou woul nak ioe laniouy kepp. Linguère sama rakk la té guiss nga sougnou Papa waxou ma la Pa allemand wayé Pa russe la. Sou yeugué li dina la sonal torop. (Je suis le grand frère de Linguère et notre Papa est sévère. Il va te mener la vie dure si jamais il découvre ce qui se trame entre vous.) Donc je te conseille, paroles d'un grand frère à son petit frère, de la laisser tranquille.

- Degg nala grand (Entendu)

- Wa kone falaw. Nandité sonoul (Tant mieux alors)

- Wa Merci grand. Man mom nitou diam la (Merci. Je prône la paix moi)

- Kone diam ak diam (A un de ces quatre alors)

Je sais c'était mince de ma part, mais ce petit allait me causer des problèmes. Il marchait sur mon territoire, je ne pouvais laisser faire cela.

« Connard un jour, connard toujours. » Pensée de filles

Linguère  -  (Terminée) Where stories live. Discover now