Première partie - 2

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Linguère Dial Diop Ndiaye

« Quand on se croit mort, c'est qu'on n'est pas encore mort. » Fatou Diome

Les souvenirs avaient ressurgi lorsque ma petite princesse avait prononcé ces deux mots « petite - sœur ». Mais la douleur s'était dissipée, je ne ressentais plus rien, aucune haine, aucun mépris, aucune colère. J'avais appris à soigner mes blessures, ses coups de poignard reçus en plein cœur, dans le silence, avec mon tyran à mes côtés. C'est absurde, non ? Point de suture après point de suture, pansement après pansement, j'avais décidé de vivre. Vivre ! Rien d'autre que vivre, pour mes enfants, pour moi.

Ce jour-là m'avait plongée dans une torpeur telle que je ne pensais plus pouvoir m'en sortir. Au début, je trouvais qu'il n'y avait assez d'oxygène nulle part, je suffoquais, la Terre était devenue trop étroite pour moi, trop remplie. Puis, je regardais les gens défiler devant moi, la vie tourner, j'étais spectatrice. Mais, je n'entendais que des bruits de fond, je ne voyais qu'une monotonie désolante, pendant ces minutes, que dis-je, peut-être ces heures, passées dans ma voiture, devant Soumbédioune. Mon mari, mon cher ami, mon homme, mon... Je venais de voir la porte du bonheur se refermer devant moi, comme ça, d'un coup sans que je n'eusse mot à dire. Elle m'avait laissée à la place une blessure béante, que je ne croyais, n'allait jamais se refermer.

********* Quelques heures plus tôt ce jour-là *********

Toc Toc !!!!

- Seynabou Ndiaye, depuis quand tu toques à la porte avant d'entrer dans mon bureau.

- Belle-sœur dama done djéma siwlissé touti tamit ! (J'essayais juste d'être commode).

*** Rires ***

- Je sais maintenant d'où mes enfants tiennent leurs vieilles manies. De leur Badiène (tante paternelle) chérie !

- Waw kaay (Justement), en parlant d'enfants, je t'emmène le test de grossesse que j'ai pris à la pharmacie ce matin.

- T'es sérieuse là ?!

- Meuf, t'as pas vu comment tu es ces derniers jours. Tu as la même tête que pour ta grossesse des jumeaux. Et tu dévores tout quand on va déjeuner. Tu ne m'avais pas dit que tu avais un retard aussi ?

- Ouiiiiii ! Mais ça m'arrive parfois ça. Mon cycle n'est pas régulier. Et je mange beaucoup parce que je bouge beaucoup. Avec Ani et Eli qui viennent de commencer l'école et le « Gros Bé-Bé » dont je dois m'occuper à la maison aussi, je suis épuisée. Faut que je suive le rythme c'est tout.

- Et en parlant de ryyythme, fit-elle en se tortillant devant moi... Depuis quand vous n'avez pas « Reguethie » (mot codé pour parler de baise) avec Habib.

- Putaiiiiiiiiiiin... Seynabou lolou sa yone nékoussi (cela ne te regarde pas). C'est entre ton grand frère et moi. Respecte-le et respecte-moi un peu. Je vais le faire ton satané test ndakh nga mayma diam (pour que tu me foutes la paix).

- Et je suis sûre que ce sera une fille, vu comment le garçon de Khady se love dans tes bras quand il te voit.

- Ettt ???

- Bah tu ne connais pas l'adage ? Si pendant ta grossesse, les petites filles te fuient et que les petits garçons non, tu attends une fille, et si c'est le contraire ce sera un garçon.

- Foutaise. Elle est où d'ailleurs Khady, je ne l'ai pas vu aujourd'hui.

- Mais elle est en congés, elle revient Lundi. Limay wakhaté ngui niih né-ko-fi (Voilà de quoi je parlais, t'as la tête ailleurs). Ça fait partie des symptômes.

Linguère  -  (Terminée) Where stories live. Discover now