Chapitre 29 - Navigation -

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Erwan sortait le scaphe d'étude océanographique du port de Calheta, dès qu'il déboucha du chenal, il mit le cap au nord-ouest tout en plongeant. Il contournerait Faial, puis prendrait la direction du sud-ouest pour les 2300 kilomètres prochains. Il y avait 500 km ou il resterait à proximité de nombreuses stations disséminées le long de la faille nord-atlantique. Mais après il serait vraiment au large, loin des habitats des Nautiques et loin des moyens de communication rapides. La zone qu'il allait surveiller était à 900 km de la ville la plus proche et 1500 km au sud des quelques fermes installées sur les contreforts des bancs de Terre-neuve. Il régla la plongée, pour une descente progressive jusqu'à 500 mètres. Il n'avait alors pas vraiment à s'occuper de la profondeur pour les heures à venir. Une fois vraiment dégagé des Açores, il pourrait plonger plus loin dans les abysses pour aller chercher le courant thermohalin. Il pourrait ainsi concentrer son avancement vers l'ouest, le flux les entrainerait de lui-même vers le sud.

Nora qui était restée dans le corps du scaphe tant qu'il y avait eu des bulles aux alentours vint s'assoir près de lui dans la pénombre. Les dernières lueurs de la surface commençaient déjà à s'estomper les flashs des feux de position du scaphe se reflétaient dans les eaux riches de la région. Erwan alluma les projecteurs avant pour que Nora puisse observer la vie encore abondante de ces profondeurs. Bientôt, il n'y aurait presque plus rien à regarder, tout au moins jusqu'à leur arrivée sur le site de l'étude, à proximité des fumeurs noirs.

Le scaphe était assez gros. Une trentaine de mètres de long pour quatre mètres de diamètre. C'était donc près de 400 tonnes en déplacement, principalement occupé par les moteurs, la centrale énergétique et de traitement gazeux, mais aussi en son centre, par toute la batterie d'appareils de mesures pour le moment cachés derrière des carters assurant un meilleur fuselage du scaphe pendant les longues navigations. De la même façon, les moteurs de positionnement latéraux étaient également rentrés dans le corps du bâtiment qui ne se distinguait pas vraiment d'un gros cigare. Seule la proue qui concentrait les lieux de vie, le module de pilotage et les laboratoires contrastait. De grands hublots permettaient une vision tout autour du scaphe. La demi-sphère avant, nécessaire pour le pilotage fin, donnait au pilote et au copilote la sensation d'être dehors et de flotter dans la mer. Ce type de bâtiment n'était pas prévu pour gérer de grosses différences de pression. Du coup, la demi-sphère n'était pas épaisse et ne déformait pas complètement le monde extérieur, atténuant même l'effet de loupe par un choix judicieux de matériaux limitant les changements d'indice de réfraction. Les deux sièges semblaient suspendus au bout d'une petite passerelle en treillis métallique. Les écrans de contrôles étaient pour la plupart projetés sur la sphère elle-même. Les commandes principales étaient directement posées sur les fauteuils, et se déployaient en fonction des besoins. Ainsi, pour le moment, le sonar emplissait le côté gauche, et seul le joystick de direction était sorti. Du coup, la sensation de liberté était complète, la vue de Nora n'étant pas limitée.

Ils profitaient tous deux de ce paisible intermède. Ils savaient que ce n'était pas leur départ précipité qui allait changer quoi que ce soit à leurs problèmes à terre, mais ils savouraient néanmoins ce moment calme. Les lueurs des autres scaphes et des installations de la ville s'estompaient dans le lointain. Ils se sentaient seuls au monde. Ils avaient quitté les Açores alors que Julie venait de publier son article sur la corruption suspectée d'Andréa Lancaster. Ce serait probablement le plus gros scandale politique de l'histoire de l'Atlantique Nord. La coordinatrice générale impliquée dans du trafic d'influence avec un état étranger, ou tout au moins avec une entreprise étrangère. Le scrutin à venir allait être houleux. En pratique, les quelques journalistes à qui Julie avait parlé pour montrer ses sources et avoir le soutien de ses pairs lui avaient tous indiqué que cela pouvait même compromettre le processus électoral. En fait, certains avaient été plus estomaqués encore et soupçonnaient fort que la Bolding S.A. n'était pas le bout de l'affaire, et qu'il faudrait probablement remonter au niveau de l'état américain pour accéder aux vrais commanditaires. Enfin, tous semblaient s'accorder sur le fait que c'était une bombe comme on n'en voyait qu'une ou deux fois dans une carrière de journaliste. Erwan et Nora n'auraient finalement que peu de nouvelles, les communications en direct deviendraient impossibles dans très peu de temps. Julie leur enverrait une note quotidienne sur les évolutions du dossier. Mais pour le moment, le calme était tout ce qu'ils avaient devant eux et ils comptaient bien en profiter.

Entre les maillesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora