Chapitre 3 - Voyage -

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L'atterrissage au port avec le petit scaphe navette se passait sans encombre. Le trafic était dense, mais les Locabulles de liaison avaient une place réservée sur un petit ponton semi-flottant. Il ressemblait à une pieuvre géante. Les Locabulles venaient se fixer contre les ventouses de ses tentacules. Son énorme corps contenait les ateliers d'entretien ainsi qu'une salle d'attente et une cafétéria. Il servait aussi, par le gonflage de l'enveloppe extérieure, de système de contrôle d'immersion. Une coursive souple reliait le tout à la falaise quelques dizaines de mètres plus loin. Le sas s'ouvrit dans un chuintement accompagné du vacarme alentour qui s'engouffra dans l'entrebâillement. Une suffocation les prit tous les deux. Toux et halètement se succédèrent pendant deux bonnes minutes avant qu'ils ne se calment. Nathalie et Vincent avaient déjà réglé leur pression à celle de surface, mais l'atmosphère non traitée était par trop revigorante pour eux. Ni Vincent ni Nathalie n'étaient vraiment faits pour l'air libre. Pour le moins, ils n'en avaient pas de prédilection. Ils se dépêchèrent de rejoindre l'aéroport pour prendre le premier vol pour les Antilles. Le temps était tempétueux et Erwan les avait prévenus que ça risquait d'empirer. Ils étaient très peu désireux de tester leurs capacités à résister à une météo déchaînée. Comme tous les Nautiques, ils étaient paradoxalement trop habitués à une atmosphère recyclée et contrôlée pour apprécier la tonicité de l'air marin. Et surtout, s'ils supportaient sans problème les ténèbres des profondeurs et ne s'inquiétaient jamais des tonnes d'eau pesant sur leurs épaules, le vent provoquait, chez eux, un sentiment d'instabilité difficilement maîtrisable. Les Açores s'étaient développées lorsque les Nautiques de l'Atlantique Nord avaient pris leur indépendance. Ce petit bout de terre émergée leur servait de liaison avec les atmosphériques. Sa position centrale en avait aussi fait une sorte de capitale où l'on ne savait plus très bien où commençait le monde sous-marin et où finissait le monde terrestre. Les choses avaient bien changé depuis que les premiers Nautiques avaient décidé de rester sous l'eau en permanence pour éviter les tempêtes à répétition. La « GT » avait eu cet avantage d'amener l'homme à conquérir un territoire pratiquement vierge et bien plus accueillant qu'on ne le croyait aux siècles derniers.

Une fois dans leur vol, ils purent envisager sérieusement la poursuite de leurs vacances. Confortablement installés, ils parcoururent une nouvelle fois la présentation du resort que Vincent avait récupéré sur le réseau. Au programme, plongées sans scaphandre, découvertes des ruines de la barrière de corail et surtout farniente au chaud à regarder les poissons multicolores. Cela allait les changer des Moridae et autres Chimères dont ils avaient l'habitude. L'hôtel qu'ils avaient choisi était réputé pour son calme et pour sa convivialité. Il était construit sur un dôme volcanique et les galeries qui menaient de la surface à la mer étaient profondément enterrées pour résister aux typhons et aux torrents de boues résultants. Pendant les trois mois de la saison des cyclones, la zone devenait impraticable en dehors des parties sous-marines, les conditions météorologiques étant par trop violentes. Les tempêtes se succédaient apparemment aléatoirement, parfois du nord, parfois du sud, mais tout de même plus souvent d'est en ouest. Ainsi, la mer était hachée, mais sur une profondeur assez faible. L'hôtel continuait alors son activité subaquatique.

— Tu as entendu ce que disait Erwan à propos de la météo, demanda Nathalie. Tu n'as pas peur que nous ayons un cyclone ?

— Nous sommes à la fin de la saison calme, mais elle devrait encore durer une bonne quinzaine de jours. Il y a souvent quelques gros orages avant l'arrivée des tempêtes. Alors, ne compte pas trop dessus pour me consigner dans notre chambre. Il faudra que tu trouves d'autres arguments.

— Tu es bête. Je n'ai besoin de rien pour te retenir dans un lit... Tiens, regarde, là par le deuxième hublot. Tu vois la marque ?

Sous l'avion la mer s'étendait, la houle striant l'infinité bleue.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now