Chapitre 13 - Imigrante -

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Les premières semaines de Julie furent particulièrement intenses. En tant qu'immigrante, elle s'était établie dans un logement provisoire. Plus grand qu'elle ne l'avait espéré, mais complètement impersonnel, elle découvrit bien vite qu'il était aussi en fait partiellement décomissionné. Depuis la fin de la GT, et en particulier ces dernières années avec une météo de plus en plus clémente, les vagues de migration vers les pays des Nautiques s'étaient taries. Ainsi, les équipements et les organisations qui pendant des décennies avaient été soumis à rude épreuve pour accueillir des centaines de milliers des réfugiés et d'émigrés étaient maintenant pour partie à l'abandon. Julie n'avait pas été mal accueillie, au contraire. Les représentants de Corum avaient été chaleureux, contents de recevoir une nouvelle citoyenne. Mais, comme elle, ils avaient découvert que plus personne ne se souvenait précisément des démarches à mener. En fait, ils avaient dû ressortir les protocoles d'immigration des archives pour essayer de ne rien oublier et permettre une intégration dans les règles. Mais, s'ils avaient été souples avec les procédures pour que tout cela reste simple pour tout le monde, le monde matériel avait été, lui, plus retors. Sa bulle avait d'abord refusé de s'ouvrir. Il avait fallu que la maintenance recherche le boitier de distribution électrique pour refaire la connexion. Prévoyants, ils avaient en même temps vérifié l'arrivée de l'eau pour le petit lavabo intérieur, démarré le ventilateur pour le chauffage et branchés le réseau sur la table de brassage. Julie s'installa alors, découvrit le restaurant communautaire, ainsi que les sanitaires du secteur. Émotionnellement épuisée, elle ne tarda pas à aller se coucher, espérant qu'une bonne nuit de sommeil lui permettrait de commencer sa nouvelle vie le lendemain en pleine forme. Mais elle passa la nuit à grelotter. Il apparut par la suite que la ventilation avait en effet été remise en route, mais pas la résistance du chauffage. Or, malgré une isolation de haute performance, le froid de la mer s'était infiltré dans la bulle.

Le lendemain, lors de son petit déjeuner au restaurant communautaire, sa puce d'impact avait été refusée. Heureusement, l'un des représentants de l'immigration prenait son repas à ce moment. Il était intervenu en supportant le cout du petit déjeuner de Julie sur son propre compte d'impact et l'invita à sa table.

La puce d'impact était un simple identifiant sans contact implanté sous la peau à la naissance. Il permettait à chacun de valider ses consommations ou au contraire de recevoir ses compensations lorsqu'une action avait un bilan environnemental positif. Chacun avait le droit au même impact total, quel que soit son statut, sa citoyenneté, ou son lieu de résidence sur la planète. C'était géré au niveau des états et de fréquentes contestations étaient adressées à l'ONU à ce propos. Certains pays considéraient que d'autres ne comptabilisaient pas correctement les points négatifs ou qu'ils surestimaient les positifs. L'impact global de l'humanité était révisé tous les 10 ans, puis divisé par le nombre d'habitants pour déterminer ce que chacun pouvait dépenser. L'objectif n'était pas d'être neutre, ce qui aurait été impossible puisque les hommes et femmes devaient bien ne serait-ce que ce nourrir. Mais il était calculé pour que l'incidence du genre humain reste gérable par la biosphère. De même, le compte d'impact ne tentait pas de remplacer les monnaies, mais de réguler l'usage des biens communs. En effet, les ressources consommées n'étaient prises en compte qu'une seule fois en termes d'impact. Les échanges suivants qui ne consommaient pas d'autres ressources n'étaient plus enregistrés dans le compte d'impact bien qu'ils ne soient cependant pas dénués de valeur.

Certains aspects étaient assez simples à gérer. Les énergies se devaient d'être renouvelables. La puissance totale dégagée n'était alors pas notablement différente de ce qu'elle aurait été sans la présence des humains. Pourtant, de temps à autre, des contestations ressurgissaient, en particulier à l'encontre des Nautiques ou des pays à forte activité volcaniques. Tous ces pays exploitaient massivement la géothermie. Si l'utilisation de sources d'eau chaude naturelle n'était pas un problème, de nombreux états allaient plus loin en creusant de nouveaux puits et en injectant de l'eau pour recueillir la chaleur des entrailles de la Terre. Certains considéraient cela comme anormal, car accélérant le refroidissement du manteau et, de là, du noyau planétaire lui-même. Mais les scientifiques s'accordaient pour dire que la conséquence de ces forages était totalement négligeable sur l'ensemble de la masse terrestre. Par contre, l'apport calorique était analysé plus précisément, comme une donnée à surveiller en particulier en milieu marin pour éviter les risques de changement de courants ou de composition de l'eau. Dès lors, les nations Nautiques tendaient de plus en plus à n'utiliser que les sources naturelles et c'est ainsi que des stations étaient installées le long des failles et des réseaux de fumeurs noirs ou blancs.

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