Chapitre 26 - Réunion -

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Vincent et Nathalie fermèrent la porte de leur appartement avec la sensation bizarre d'une nouvelle vie sur le point de commencer. Nathalie portait Chloé blottie contre sa poitrine et Vincent les regardait toutes les deux avec un sentiment flou, mélange de fierté, d'incrédulité, d'impuissance. Il était père et avait décidé d'amener une vie dans ce monde et de protéger Nathalie qui était encore la source absolue de la vie de Chloé. Depuis des mois, il prenait son rôle de bénévole à la corpo de maintenance avec plus d'attention. Il surveillait les montages, il donnait un coup de main. Il avait également entrepris un gros travail de relecture de code sur l'application de domotique du quartier. C'est là qu'il se sentait le plus efficace. Certaines interfaces pour des modules récents n'avaient pas encore été auditées en profondeur. Les tests unitaires avaient été faits. Les analyses avaient aussi été vérifiées, mais comme dans tout logiciel, ajouter un regard critique permettrait peut-être de découvrir un bug potentiel. En fait, il avait remarqué sur un nouveau système d'éclairage des hydroponiques qu'un shunt du code pour faciliter la phase de débogage avait été laissé une fois mis en production. Du coup, il restait un mot de passe générique qui marchait pour tous les systèmes installés avec ce programme. La correction était triviale, mais trouver ce genre de bug nécessitait de réellement relire le code et non pas de le tester. Ce n'était pas toujours fait. Toutes les traditions, les conseils de ses parents lui revenaient en mémoire. Toutes les règles de sécurité qu'il avait si souvent moquées en leur expliquant que compte tenu du nombre de redondances, ils étaient plus que protégés dans leurs bulles. Pourtant, maintenant, il faisait partie de ces gens qui allaient en effet voir les logs de maintenance, qui étaient abonnés à la liste de diffusion de la surveillance des installations vitales. Il était aussi plus connecté aux êtres humains. Jusqu'alors, il ne s'était jamais posé la question. Il était là et ne s'interrogeait pas sur sa relation aux autres. Dorénavant, il était un maillon dans la chaine de vie qui avait amené les premières molécules complexes de l'océan primordial au miracle qu'était Chloé. Toute la symbolique de la présentation au soleil faisait sens maintenant. Il était important que Chloé naisse au soleil comme elle était née à la vie. La GT étant terminé, il était à présent simple de monter en surface, aussi avaient-ils décidé d'y aller avant que Nathalie ne reprenne ses activités. Karl leur avait dit qu'il serait aux Açores également à ce moment-là. Ainsi, ils partaient pour leur premier voyage à trois. Vincent avait le sentiment de les emmener toutes les deux alors que Nathalie était de nature indépendante. Pourtant, il prenait à cœur de tout gérer pour qu'elle puisse se concentrer sur Chloé. Le scaphe gros porteur qui les conduisait lui paraissait si différent. Il avait jusqu'alors immédiatement plongé dans ses pensées quand il embarquait pour ce type de long voyage. Cependant, cette fois-ci, il ne pouvait s'empêcher de regarder autour de lui, observant les autres parents avec un œil nouveau. Il restait toujours attentif à Nathalie et Chloé, se demandant si tout allait bien, s'il leur fallait quelque chose. Ce moment, normalement consacré à l'introspection, n'arrivait pas à s'installer en lui. Aussi trompait-il son ennui en codant et en se maintenant aux petits soins de sa famille.

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Nora était chez elle. Il lui semblait que ce n'était plus chez eux. Erwan était parti depuis si longtemps. Tant qu'elle travaillait ou qu'elle était sur un site de Filet, elle ne s'en rendait pas trop compte. Mais là, le soir, après une journée à croiser des informations qui la mettait de plus en plus mal à l'aise et une discussion stérile de plus avec George, elle regrettait son absence. Elle voulait le sentir présent, elle voulait se blottir dans ses bras. Elle alluma la vidéo et l'appela, espérant qu'il ne serait pas couché. Il était aux Açores en ce moment, et il était donc cinq heures plus tard qu'ici à Charleston.

— Coucou, je ne te réveille pas au moins ?

— Au lit, mais je ne dormais pas encore. C'est bien que tu m'appelles, comme cela je ferais de beaux rêves cette nuit, lui dit-il en lui envoyant un baiser.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now