Chapitre 27 - Gouvernement -

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Erwan et Nora étaient effondrés par la nouvelle de leur expulsion de projets qui leur tenaient à cœur. Aussi Karl et Julie avaient-ils décidé de les retrouver pour le petit déjeuner, les obligeant ainsi à commencer leur journée autrement qu'en tournant en rond dans la chambre d'hôtel, comme ils faisaient depuis quelques jours. Quand Karl et Julie arrivèrent au restaurant communautaire de quartier, Erwan et Nora étaient déjà là. Ils semblaient fatigués, avaient les traits tirés, mais ils s'animèrent en les voyants entrer. Nora se leva et les appela de loin avant qu'Erwan ne puisse intervenir pour l'arrêter. « Les restaurants communautaires sont des parties communes, donc des zones de calme » lui rappela-t-il. « C'est pour cela qu'il y a autant de petites gargotes privées, qui sont au contraire des lieux de convivialité. » Nora se surprit à se trouver prise en faute comme un enfant grondé par ses parents, bien qu'elle sache qu'Erwan lui signalait juste une règle de savoir-vivre qu'il savait inhabituelle pour elle. De fait, son intervention rapide avait suffi à faire disparaitre les regards réprobateurs qui étaient apparus dans les tables voisines.

— Tu m'as l'air en forme ce matin, lui dit Julie en s'assaillant, une tasse de thé d'algue au lait de phoque à la main. Ça fait plaisir. Tu as de bonnes nouvelles ?

— En fait non, mais j'ai lu ce matin une série d'éditos qui parlaient de toi, enfin d'un de tes articles. Ça me fait bizarre de penser que je prends mon petit-déjeuner avec une personne au centre de l'actualité.

— Tu exagères Nora. C'est gentil, mais je ne suis pas au cœur de l'actualité comme tu dis. Certains de mes articles le sont peut-être, mais ça ne va pas plus loin. D'ailleurs, comme on est en vacances avec Karl, je n'ai même pas étudié l'accueil qu'a reçu mon interview d'Andréa Lancaster. C'est une politique influente ici, puisque c'est la coordinatrice générale d'Atlantique Nord en ce moment. J'ai vu que mon article avait été cité, mais je n'ai pas regardé.

— Et bien tu aurais du. Tu es qualifiée d'écueil qui pourrait entrainer la candidature de PPNA par le fond. Je ne connais pas la politique par ici, mais je pense qu'être cet écueil-là doit me permettre de dire que je prends mon petit-déjeuner avec une célébrité, lui dit Nora en présentant sa tasse.

— Il faut qu'on regarde ça répondit Karl. Mais pas à la cantine. Finissez votre repas et on ira dans notre chambre pour en discuter tranquille. Enfin, laissez-nous cinq minutes pour ranger un peu avant de venir.

Quelques minutes plus tard, le petit groupe traversait les coursives qui reliaient le restaurant communautaire aux chambres et aux sanitaires. Nora était surprise de voir que la promiscuité était aussi forte dans une grosse ville comme les Açores. Elle avait du mal à se représenter ce que pouvait être la situation dans les petites stations dont lui avait parlé Erwan. Elle avait l'habitude du fond puisque le Filet l'y avait entrainé de nombreux mois, mais elle n'avait jamais imaginé cela comme un espace de vie. C'était un lieu de travail. Ainsi, son interprétation était complètement différente. L'aspect fonctionnel des couloirs et des parties communes était aussi une surprise pour elle. On ne pouvait pas dire que ce n'était pas beau, mais tout était défini par la nécessité. Julie lui avait dit que les plantes étaient en pratique comptabilisées dans le recyclage gazeux et les fleurs n'étaient pas uniquement choisies pour leur côté esthétique, mais également pour certaines propriétés qu'elles pouvaient apporter comme la fabrication de tisanes. Le monde Nautique était en fait très orienté vers l'autosuffisance. C'était le cas maintenant de la plupart des communautés, mais pour les Nautiques, l'autosuffisance allait beaucoup plus loin puisque même l'air qu'ils respiraient devait être pensé, comptabilisé, préparé. En arrivant chez Karl et Julie, ils les trouvèrent tous deux déjà concentrés sur leurs écrans pour essayer de lire tout ce que l'article de Julie avait déclenché.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now