Chapitre 17 - Départ -

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Julie ferma la porte de chez elle, avec juste un petit sac avec elle, un peu de linge, son ordinateur. Elle s'engagea alors dans les couloirs ternes de Corum pour se diriger vers le sas d'embarquement. Tandis qu'elle se préparait à partir, elle redécouvrait la ville telle qu'elle l'avait vue en arrivant. Sombres et étroites, les coursives ne faisaient pas envie. Pourtant la foule était joyeuse et bigarrée. Les Nautiques semblaient toujours aimer les habits colorés et chatoyants. Probablement en compensation du côté pâle et monotone leur environnement. Les abysses étaient éternellement noirs, et même si les cantines, les salles de sports et les places publiques étaient décorées, les autres lieux étaient juste fonctionnels. Elle comprenait mieux le côté surchargé des intérieurs des Nautiques. Ils n'avaient que peu d'espace et ils vivaient dans un endroit austère, alors leurs maisons étaient au contraire chaleureuses et accueillantes.

Arrivée à l'embarcadère, elle se présenta à l'enregistrement et l'hôtesse lui attribua, en chuchotant, une place dans un compartiment au milieu du scaphe. Julie répondit de même, le plus doucement possible. L'ambiance des voyages baignait déjà le lieu. À l'ouverture des portes massives qui menaient au tunnel d'accès, Julie se leva et se rangea dans la file. Suivre le flot et ne pas se poser de questions. Se sentir protéger par l'acier qui empêchait l'eau d'envahir la ville. Voilà ce dont elle avait besoin. Ses pas résonnant sur les tôles la conduisirent à sa place. Elle s'assit confortablement, ferma doucement les yeux et se prépara néanmoins mentalement à une introspection. Les quelques mois passés à Corum défilèrent dans sa tête ; la tension du trajet aller alors qu'elle avait essayé de parler aux autres voyageurs ; la désorientation du début à toujours vivre enfermé, et aussi l'éternelle retenue des Nautiques. Cela l'agaçait encore souvent. Mais elle appréciait les moments « d'intimité » qu'elle pouvait s'offrir au milieu de la foule. Avant le départ, elle avait craint ce moment face à elle-même et aux doutes qui l'assaillaient actuellement. Mais maintenant que seul le ronronnement du scaphe existait, elle pouvait réfléchir sereinement à tout ce qu'elle avait dit pendant cette réunion, ce qu'elle n'avait pas fait jusqu'à présent. Elle se remémora chaque détail et put analyser a posteriori les raisons de ses réactions. Bien sûr si elle avait eu le choix elle aurait attendu d'avoir plus d'éléments concrets. Mais après une bonne journée d'introspection, elle jugea moins durement sa prestation. Elle avait fait passer une émotion, un sentiment de danger, et c'était tout ce qu'elle pouvait faire avec les informations dont elle disposait. En y réfléchissant bien, c'était même le seul objectif important puisque pour le moment ses amis cherchaient surtout à avoir suffisamment de poids pour pouvoir étudier correctement le Filet avant de prendre une décision.

Après cette semaine de voyage, Karl la retrouva au débarcadère du niveau –40. Il l'accueillit en souriant, pléthorique. C'était d'autant plus étonnant qu'il était issu d'une famille de Nautiques depuis plusieurs générations. Son arrière-grand-père avait fortement collaboré à l'installation des premières Neptuniennes. Ces énormes stations canalisaient les remontées d'eau chaude provenant des sources géothermiques pour entraîner des alternateurs. Les premières à avoir été mise en route utilisaient directement les courants marins, d'où l'appellation du système. Mais l'accroissement de l'exploitation de la géothermie pour les villes et l'aquaculture avait fourni des sources beaucoup plus régulières. Il empoigna sa valise d'une main et l'entraîna de l'autre. Elle devait presque courir tellement ses enjambées étaient longues. Il aurait visiblement continué sur ce rythme si elle ne lui avait pas demandé de ralentir.

— Tu seras contente quand tu seras arrivée et puis je crois me souvenir que tu es deux fois plus déterminée que moi ! lança-t-il en riant.

Il ralentit tout de même en les pilotant à travers la foule des sas de compression, et elle put profiter de l'attente pour souffler un peu. La bonne humeur de Karl était communicative, mais elle ne put rien savoir de son origine. La soirée de son anniversaire avait été très agréable, mais elle doutait que son simple souvenir puisse autant métamorphoser un nautique en ce personnage exubérant. En arrivant chez Karl, il lança la valise dans un coin et la dirigea jusqu'à un écran devant lequel il la força à s'asseoir.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now