Chapitre 9 - Les Açores -

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Le vol jusqu'aux Açores se passa sans difficulté. Julie avait certaines formalités à accomplir pour son immigration. Vincent partit faire une visite chez des amis de faculté pour essayer de retrouver la trace d'Erwan. Mais celui-ci était en mission et même son employeur ne semblait pas savoir où. Nathalie s'occupa de trouver un moyen de transport pour la suite du voyage. Il faudrait deux jours pour rejoindre Corum qui flottait à une centaine de mètres au-dessus de la faille atlantique qui lui fournissait son énergie. Julie avait été surprise par la longueur de la traversée.

— Mais ce n'est qu'à 600 km au sud-ouest des Açores, avait-elle dit.

Très vite, elle s'était reprise et avait elle-même donné l'explication par le temps nécessaire à la compression jusqu'à -2000 mètres. Nathalie s'était tout de même aperçue que son installation et son accommodation à la vie de nautique ne seraient pas aussi simples que Julie le croyait. Un transport régulier partait le lendemain matin pour la mer des Sargasses via Corum. Nathalie réserva trois places. Puis elle alla à « l'araignée gourmande » ou elle avait rendez-vous. Le café était situé dans une bulle du quartier à atmosphère de surface. Par trente mètres de fond, c'était une construction récente. Elle n'aurait jamais pu exister pendant la « GT ». La mer, pendant les tempêtes d'hiver, avait des creux de plus de vingt-cinq mètres. Ce nouveau quartier avait tout de même été conçu avec un système d'immersion variable qui lui permettait de s'enfoncer d'une bonne dizaine de mètres supplémentaires en cas de besoin. L'intérêt de la proximité de la surface était bien sûr le spectacle des poissons, des crabes et des longues algues qui se balançaient. Julie ne tarda pas à apparaître. Elle était petite et très menue. Sa démarche souple dessinait des formes justes un peu rebondies. C'était manifestement une belle femme. Sa peau hâlée au milieu de tous les Nautiques fit le reste pour que tous les regards coulent vers elle. Nathalie lui fit un signe et elles s'attablèrent toutes les deux devant un mixte de tapas à base d'algue et de crustacé. Leurs plats étaient finis depuis longtemps quand Vincent arriva, l'air passablement éméché.

— Je vous emmène à une soirée, leur lança-t-il avant même d'être arrivé à leur table.

Elles se levèrent gaiement. En aparté, Nathalie mit en garde Julie en lui glissant à l'oreille.

— Tu sais, Vincent est resté très étudiant dans l'âme, et il y aura probablement plein de ses amis de promos. Alors, méfie-toi des blagues de potaches, car tu me parais tout indiquée pour en être la cible ce soir.

Vincent les entraîna à travers les couloirs roulants vers les profondeurs de la cité. Deux fois, ils durent patienter dans des sas de compressions. Ils ressemblaient à de grandes portions de coursive avec une porte à chaque bout. À chaque extrémité, une salle d'attente permettait de canaliser les flux montants et descendants. La ville était construite avec trois atmosphères différentes. Le niveau 0 qui était en liaison directe avec la surface et les niveaux –40 et –90 mètres. Le niveau –40 correspondait en particulier à celui du port de commerce international. Depuis longtemps, les cargos ne naviguaient plus sur la mer, mais plongeaient de quelques dizaines de mètres pour éviter les vagues et pour limiter la traînée. C'était particulièrement vrai pour les marchandises de densité supérieure ou égale à 1. Le niveau –90 était un niveau de vie et d'administration. C'était l'origine de la cité. C'était aussi celui des facultés vers lequel se dirigeait Vincent. Les couloirs s'assombrissaient et diminuaient. Les hublots devenaient très rares et certaines allées étaient creusées à même le roc. Vincent semblait s'orienter de façon erratique. Julie pensait qu'il s'était perdu depuis longtemps et qu'il refusait de l'admettre, mais Nathalie paraissait confiante, alors elle se taisait. Ils pénétrèrent dans une zone visiblement moderne. Ils n'étaient plus dans les entrailles de la roche, mais dans une immense structure de bulles imbriquées à la manière des atomes dans un cristal. Les couloirs étaient colorés et plus spacieux. Il y avait même quelques plantes. Vincent s'arrêta brusquement devant une porte de laquelle, perçait de la musique. Il se retourna pour dévisager les deux femmes et partit d'un grand rire sonore en les voyant.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now