Chapitre 18 - Profs -

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Erwan se leva à l'aube. Il prépara deux tasses de café d'algues en écoutant les oiseaux chanter au soleil du matin. Bien qu'il habitât ici depuis plusieurs mois, il ne se lassait pas d'entendre et de voir les animaux oublieux des hommes. Le réveil du "monde" autour de lui était un moment spécial qu'il savourait intensément. La petite cafetière semblait déplacée dans cette pièce au ton chaud. Les deux sphères métalliques cabossées et la minuscule soupape en aluminium brossé étaient pourtant un peu de son monde à lui, et il appréciait particulièrement de s'en servir plutôt que d'aller chercher le café au restaurant communautaire. D'ici une heure, ils iraient prendre leur petit déjeuner, mais pour l'instant, le temps était suspendu. Il n'y avait que lui, Nora et les oiseaux. Il dévissa la cafetière et versa une tasse. Il referma alors la cafetière pour maintenir le breuvage brulant comme l'aimait Nora. Il s'assit un peu sur le bord de la fenêtre, son esprit commençant à quitter les limbes du réveil pour les journées qui s'annonçaient. Ils allaient faire de nouvelles conférences dans plusieurs facultés et intervenir également sur deux émissions d'investigation. Il repassait mentalement les écueils à éviter. Quand Nora arriva, elle l'embrassa et repartit prendre, elle aussi, sa tasse de café. Ils ne diraient rien tant que la cafetière ne serait pas lavée et refermée, prête pour le lendemain matin. Ce rituel s'était instauré entre eux dès qu'Erwan avait fait découvrir le café d'algue à Nora. Elle était alors attentive à ne pas rompre le charme du calme au milieu de la tempête qui les entourait à cette époque. Aujourd'hui encore, elle savait qu'une fois le café terminé une longue journée et une longue semaine commencerait. Elle prit alors un soin maniaque à boire l'ultime goutte de la tasse. Une fois, deux fois, trois fois jusqu'à ce que vraiment plus rien ne reste. Elle continua alors à humer le fond la tasse pour aspirer les derniers aromes. Ensuite, elle entreprit de laver la cafetière. Pendant ce temps, Erwan, toujours assis sur le rebord de la fenêtre, la regardait s'affairer. Il l'observait bouger et attendait les moments ou les mouvements du tissu découvriraient subrepticement un peu de la peau des seins, des cuisses, des fesses de Nora. La contempler ainsi, pas vraiment à la dérobée, mais pas franchement non plus, était un plaisir simple et chaque jour renouvelé, même si Nora lui avait souvent fait part de son incompréhension.

— Tu me connais, disait-elle il n'y a rien de neuf ce matin.

Pourtant chaque matin le rappel d'une courbe était un petit instant de bonheur. Quand enfin la cafetière fut sèche et refermée, Nora demanda :

— Bien dormis ?

La journée était commencée. Chacun s'activa et se prépara. Moins d'une heure plus tard ils étaient à la gare. Ils partaient à Atlanta. Ils débuteraient par la conférence à la faculté puis enregistreraient les interviews.

L'université d'Atlanta était typique des constructions de la période de la GT. Basse, massive, fonctionnelle et partiellement enterrée. Une série d'antennes particulièrement imposante au sud-est démontrait l'importance qu'elle avait eue à cette époque comme centre de communication régional. Un deuxième groupe d'antennes beaucoup plus légères un peu plus loin montrait que l'université n'avait pas perdu de son influence. Le contraste entre ces deux groupes d'antennes rappelait à tous que les tempêtes encore fréquentes à l'automne n'avaient plus rien à voir avec celles que la zone subissait quelques dizaines d'années auparavant. Nora se surprit à finalement mieux comprendre le choix stratégique des Nautiques en notant l'épaisseur des poteaux nécessaires pour supporter les vents déchainés et les trombes d'eau des ouragans d'automne, alors que le toit n'était que de quelques centaines de mètres carrés. Les dangers des profondeurs étaient en fin de compte bien moindres que ceux du ciel à cette époque. Nora et Erwan traversèrent le parc dont certains arbres commençaient à avoir une taille respectable. Les bagues permettant de les amarrer lors des coups de vent les faisaient ressembler à des sapins artificiels en kit avec leur séparation régulièrement répartie. Ils arrivèrent dans le grand amphithéâtre qui se remplissait doucement. Quelques personnes vinrent les saluer, mais bientôt, le nombre aidant, l'équipe de l'université du interrompre ce flot venant leur poser des questions. Cette période était toujours pour Nora un moment agréable, alors qu'Erwan était gêné par cette foule bruyante qui le sollicitait. Les Nautiques n'auraient jamais osé déranger l'intervenant à quelques minutes de la présentation, sachant qu'aucune réponse réellement personnalisée ne serait possible. Pourtant, simultanément, le dynamise ambiant lui donnait envie de fournir le meilleur de lui même.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now