Chapitre 21

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Du sable. Du sable et des dunes à perte de vue, aux confins de l'horizon. Le groupe de survivants devrait parcourir une trentaine de lieues du désert Almari, avant d'arriver sur des terres plus hospitalières. Une telle distance pouvait s'effectuer en deux journées, mais c'était sans compter les conditions climatiques, et le topographie du terrain. La chaleur et les rayons du soleil brûlaient continuellement la peau des réfugiés, dont certaines parties du corps ne pouvaient être recouvertes. Leurs lèvres s'étaient peu à peu craquelées, et chaque parcelle de leur peau subissait l'incrustation du sable, qui les aveuglait quand des bourrasques se soulevaient. De plus, le manque d'eau et de nourriture, rationnés au maximum, avait ralenti leur allure. Journées étouffantes et nuits glaçantes se succédaient.

Ils savaient que s'ils s'arrêtaient, jamais ils ne repartiraient. Le désert avait ravi les âmes de deux nouveaux mages qui faisaient partie des plus âgés. Déshydratés, affamés, ils avaient succombé à l'environnement impitoyable. Leurs corps furent enfouis magiquement dans le sable, afin que les charognards ne puissent s'en repaître.

Ils devaient tenir, une minute, une heure, une journée de plus. La progression dans le sable, qui s'enfonçait sous leur pas ou glissait de manière imprévisible, était chaotique. Mais enfin, après quatre jours laborieux, ils gravirent la dernière dune. L'horizon n'était plus seulement composé d'une immensité sablée. Au loin venait la végétation. La vie. Désormais, ils devaient rallier El Ardyr.

Mia marchait aux côtés d'Elihan et d'Ewann, qui soutenaient Pierrick. Elihan avait repris ses esprits et pu soigner l'épaule du vieux mage, mais celui-ci n'en demeurait pas moins éreinté. Cependant, il restait alerte.

- Nous venons de pénétrer en Almar, et nous n'avons vu encore aucune troupe de contrôle des frontières. Cela ne saurait tarder. Mia, tu garderas ton identité secrète. Mahakrin était tolérant envers les mages, mais son acceptation du mariage avec Jarle montre qu'il ne nous défendra pas toujours. Nous devons rester prudents.

- Que fera-t-on, s'il refuse de nous aider ? s'enquit Mia.

- Nous tâcherons de le convaincre. Nous l'implorerons s'il le faut. Il est temps de mettre notre fierté de côté. L'essentiel n'est plus de contrer Jarle, à présent, mais simplement de survivre...

Comme l'avait prévu Pierrick, ils quittaient à peine le désert qu'ils aperçurent des baraquements de soldats. Une demi-douzaine d'hommes se dirigea vers eux, la main sur le pommeau de leur sabre long. Aldwin et Lénor s'avancèrent et entamèrent la discussion, dans une langue que Mia ne comprenait pas, aux intonations tranchantes.

- Je n'ai pas l'aisance de Lénor ou Aldwin pour parler l'Almari, mais il me semble qu'ils ont demandé audience avec Mahakrin. Ses hommes sont réticents, mais il s'est toujours engagé à écouter les doléances des mages qui viendraient sur son territoire. Ils ne refuseront pas.

En effet, les soldats finirent par leur faire signe de les suivre vers leur poste de garde. Là, avisant l'état pitoyable dans lequel se trouvaient les réfugiés, ils leur donnèrent de l'eau et des vivres, englouties rapidement. Ensuite, la vingtaine de mages fut répartie sur des montures que les soldats avaient rassemblées et ils prirent la route sans tarder. Il fallut deux jours de chevauchée effrénée, avec seulement une poignée d'heures de sommeil la nuit, pour rallier El Ardyr. En ce début d'après-midi, la chaleur régnait, écrasante. Un mélange de sable et de poussière balayait la capitale, obligeant les habitants à ne sortir qu'en soirée, lorsque le vent tombait, pour se rendre dans les marchés.

Protégés par des habits de toile que leur avaient prêtés les soldats, les réfugiés parvinrent au palais royal. Malgré son marbre blanc qui lui conférait une allure majestueuse, il accusait le poids des années, ses colonnes d'entrée fissurées. Il reflétait parfaitement l'état dans lequel se trouvait le royaume Almari : reflet d'une gloire passée, désormais menacé de ruine, exsangue de ressources face à la dureté du climat.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant