Chapitre 10

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Elihan avait retrouvé son calme. Il s'était enfin confié à Ewann, lui avait raconté son enfance, ce jour où tout avait basculé. Ce jour où Lijden avait été attaqué et tous les habitants massacrés, à part lui.

— L'attaque de Lijden a déterminé le début de la Guerre Pourpre, expliqua-t-il.

— Mais pourquoi s'en est-on pris à ce village ? interrogea Ewann.

— Les raisons sont floues. Des émissaires mages avaient été envoyés pour s'entretenir de tensions naissantes et essayer de les étouffer, avec les monarques d'Irlondor et d'Almar. Mais la rencontre a mal tourné. Le roi Ulrick d'Irlondor a été tué.

— Lijden aurait subi des représailles ?

— C'est ce que je pense. Il était réputé pour être peuplé de mages. Sans Aldwin et Khéryl, je serais mort à petit feu. Ils ont réussi à rassembler le plus de mages pour pouvoir lutter dans cette guerre, et ont formé une véritable communauté. Aldwin a été anéanti par la mort de Khéryl lors de la Grande Purge. C'était son frère jumeau. Son corps, comme tant d'autres, n'a pas été retrouvé. Il n'a pas pu lui rendre un adieu décent, mais il s'est efforcé de faire subsister ce qu'ils avaient créé.

Le visage d'Elihan s'était crispé. Il avait eu le courage de relater les terribles évènements de son enfance, mais aborder les pertes qu'il avait subies lors de la Grande Purge serait au-dessus de ses forces. Ewann changea aussitôt de sujet, témoin de la tension qui l'habitait.

— Mia exigera des réponses. Elle a senti que tu lui dissimulais des choses.

— Je ne peux pas lui dire la vérité sur Jarle pour le moment, et je pense que le Conseil sera du même avis. Mais elle s'interroge sur la nature de ce souvenir. Il est étrange, d'une telle netteté qu'on a l'impression d'être sur place, à le vivre.

— Cela pourrait être sa magie, à l'œuvre.

— C'est plausible. Je questionnerai Pierrick à ce sujet, mais nous devons continuer son apprentissage.

— Allons la retrouver, dans ce cas. Mais je te conseille de réfléchir sérieusement à tes justifications. Je doute que tu trouves la paix tant que tu n'auras pas satisfait sa curiosité !

***

Mia observait Elihan. Le mage semblait avoir recouvré son calme habituel et affronta sans ciller son regard inquisiteur. Elle décida de ne pas insister le temps de leur séance, mais elle le questionnerait ensuite sans relâche jusqu'à l'obtention de réponses concrètes.

— Nous rendre dans ton esprit était la première étape sur la voie du contrôle, expliqua Elihan. La deuxième consistera en l'évacuation de la magie en surplus, que tu risques de relâcher involontairement. Comme la dernière fois, il faut te détendre, respirer profondément et laisser toute tension quitter ton corps.

Mia suivit les instructions du mage et se retrouva dans son esprit. Elle vit Elihan qui y était entré lui aussi assis face aux eaux calmes et apaisantes de la rivière.

— Il faut ensuite que tu ressentes ta magie, pour la faire apparaître.

— Je ne peux pas la sentir.

— C'est parce qu'elle est enfouie au fond de toi, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. N'oublie pas, elle est présente partout en toi, continua le mage. Dans la parcelle la plus minuscule de ton corps. De la même façon que tout à l'heure, il faut te rappeler les sensations éprouvées avant qu'elle ne se manifeste. Comme lors de ta fuite, ou face à Ewann.

Mia se souvint donc de l'imbroglio de sentiments qui l'avaient frappée alors que Nataniel chutait : effroi, horreur, désespoir. Mais aussi la peur, la panique et la colère contre Ewann, à Oriem. Elle se rappela ainsi la force qui semblait émerger du plus profond de son être, les picotements le long de ses bras et les tremblements qui l'agitaient. Son cœur battait la chamade, de concert avec son souffle rapide et rauque.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant