Chapitre 17 (2/2)

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Ils cheminèrent en silence quelques minutes. Mia sentait le regard scrutateur du baron, mais elle attendit qu'il se décide à engager la conversation.

— Depuis quand êtes-vous liée aux mages ?

— Nos... Nos chemins se sont rencontrés voici deux lunes.

Mia choisit de ne pas en dévoiler plus. Plus le baron en ignorait sur sa vie à Vorne, mieux cela vaudrait. Quant à sa magie... Avait-il connaissance de ses pouvoirs ?

— Votre adaptation n'a-t-elle pas été difficile ?

Mia repensa aux menaces des mages, à leur méfiance, et au sentiment de révolte qu'elle avait été forcée d'étouffer après son arrivée à Adylis. Osberd était un homme avisé, il se doutait qu'elle n'avait pas été impliquée dans leurs complots de son plein gré. Elle choisit donc de rester honnête.

— Au départ, oui. Mais j'ai fini par découvrir leurs motivations, et les comprendre.

— Et les accepter ? Si je vous questionne ainsi, c'est pour m'assurer que vous serez la mieux placée pour régner, princesse. Si l'on vous force la main, rien de bon n'adviendra pour Irlondor. Je sais que vous êtes consciente des volontés des mages, mais parviendrez-vous à imposer les vôtres, s'il le faut ?

— Je n'aurai pas de reine que le titre, baron. Si le coup d'État est un succès, j'assumerai mon rôle pleinement.

Jamais elle n'avait été autant convaincue de son statut que maintenant, en prononçant ces mots. Osberd l'observa, puis esquissa un sourire.

— Vous êtes la digne fille de votre père. Et la reine dont Irlondor a besoin. Ma baronnie vous sera dévouée, princesse.

Le baron posa un genou à terre, pour sceller son engagement, tandis que Mia prenait pleinement conscience de ce que cela impliquait. Le trône d'Irlondor n'était plus une simple chimère, un lointain héritage dont son oncle l'avait spoliée, mais une perspective tangible, qui se rapprochait peu à peu d'elle.

***

Le lendemain, un aigle prit son envol en direction de la baronnie de Lorek, mais deux autres oiseaux messagers furent aussi dépêchés vers les barons Ivar et Maldot. Malgré les doutes et les incertitudes, il fallait tout tenter pour obtenir le plus de soutien. Les mages n'auraient droit qu'à une tentative pour détrôner Jarle. Il n'y aurait aucun retour possible.

Les missives restaient vagues, évoquant juste la volonté d'une rencontre capitale pour l'avenir du royaume. Ni Jarle, ni les mages étaient mentionnés. Le temps leur parut s'étirer à l'infini, alors qu'ils attendaient les réponses.

Après une semaine, un messager du baron Maldot se présenta à eux, avec une réponse favorable. Il avait pris la route, et arriverait sous peu. Quant au messager d'Ivar, il fut annoncé une demi-douzaine de jours après, et assura que son seigneur se dirigeait lui-aussi vers Nodys. Enfin vint le messager de Lorek, qui s'excusait de ne pas pouvoir assister à la rencontre, affaibli par une fièvre qui sévissait dans sa baronnie.

Il fut décidé que Mia ne serait pas impliquée dans les négociations. Osberd révélerait aux autres barons sa survie et ses prétentions aux trône, mais elle était beaucoup trop précieuse pour que la nouvelle de sa présence à Nodys se répande et parvienne aux oreilles de Jarle. Elle fut ainsi confinée dans les appartements qu'on leur avait alloués dès que les barons Ivar et Maldot furent annoncés à Nodys. Ewann, remis de sa matérialisation,  resta lui-aussi en dehors de la rencontre. Leur patience s'étiola au fil des heures. Ils se levaient d'un bond dès que des bruits de pas retentissaient dans le couloir, mais leurs espoirs étaient déçus. Leur porte s'ouvrit, mais ce n'était qu'une domestique, qui leur apporta un repas.

Enfin, Aldwin et Lénor furent de retour. Ewann et Mia scrutèrent leur visage, tentant de deviner si la rencontre avait porté ses fruits.

— Qu'en est-il ? s'enquit Mia, n'y tenant plus.

— Le baron Ivar a refusé d'envoyer des hommes, mais il nous a assuré qu'il nous donnera de l'or, afin que nous puissions engager des épées louées, ou simplement acheter des armes. Le baron Maldot, lui, nous accorde une vingtaine de ses hommes, qui ne porteront pas les couleurs de la baronnie, pour ne pas éveiller inutilement les soupçons de Jarle. Il en sera de même pour Osberd. Avec nos mages, nous serons une centaine. C'est peu, mais nous préparerons ce jour avec minutie. Nous n'aurons pas le droit à l'échec. Nous retournons demain à Adylis.

Ils acquiescèrent avec gravité. Juste avant qu'ils ne sortent, Aldwin se retourna et eut un bref sourire envers Mia.

— Ta présence parmi nous a convaincu le baron Osberd, qui s'est porté garant de toi envers ses deux confrères. Nous n'aurions probablement pas réussi sans toi. Merci.

Mia accepta les remerciements d'un hochement de tête. Enfin, les mages semblaient avoir pris en compte sa bonne foi.

Le retour vers Adylis se fit dans une ambiance plus détendue, les mages soulagés que la rencontre ait été fructueuse. Il leur fallut deux semaines à un rythme soutenu pour rallier le refuge.

Enfin, ils s'engagèrent dans l'immense forêt de pins, où la nature reprenait ses droits. Après plus d'une heure au pas, ils finirent par déboucher devant les deux pins millénaires, qui marquaient l'entrée d'Adylis, gardée par deux mages en faction. L'homme et la femme les saluèrent, mais Mia vit qu'ils faisaient des efforts considérables pour ne pas les assaillir de questions. Leur rôle était de maintenir une vigilance constante. Zèle et discipline permettaient leur survie. Ils seraient informés des dernières nouvelles lors de la relève.

Alors qu'ils avançaient, la nouvelle de leur retour se répandit. Les mages convergeaient vers la grotte, dans l'expectative. Les voyageurs libérèrent les chevaux de leurs paquetages, puis se dirigèrent eux-aussi vers la falaise. Ils n'étaient qu'une trentaine, mais un intense tumulte régnait, alimenté par les discussions enfiévrées et le chahut des enfants, aussi agités que les parents. Quand ils entrèrent, les visages anxieux de plus d'une quarantaine de mages les scrutèrent. Aldwin prit la parole, accompagné par Lénor pour leur relater la rencontre et les décisions des barons. Au fil de leur récit, ceux-ci se détendirent et laissèrent place à des sourires et des étincelles d'espoir dans les yeux. Puis vinrent les réflexions sur la stratégie à adopter. Les mages en mission avaient été prévenus qu'une opération de grande envergure se préparait, et rejoindraient Adylis au plus tôt. Trois groupes se créèrent : les plus jeunes ou vulnérables seraient mis en sécurité au nord du royaume par une poignée de mages. Les autres mages en capacité de combattre iraient renforcer les hommes envoyés par les barons, ou payés par l'or d'Ivar, et se battraient face aux troupes de la Timor. Enfin, aidés par cette diversion, un groupe réduit de mages aurait pour but de s'infiltrer dans le château d'Oriem, et d'assassiner Jarle.

Ils se donnèrent une semaine pour s'organiser, prévoir les vivres, et assigner à chacun son rôle.

Tous, en leur for intérieur, savaient que la bataille serait ardue, faite de souffrance, de peine, d'horreur. Mais ils savaient aussi que cette fois, ils avaient une chance de l'emporter. La tension n'avait jamais été aussi forte, ils n'avaient jamais été aussi proches du but. La délivrance était à portée de main.

Cette flamme, qui brûlait en eux, fut inextinguible, le temps de cette soirée.

Aucun ne se doutait que mort et destruction arrivaient à grands pas vers Adylis. 

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J'espère que ce chapitre plus tourné politique vous aura plu !

N'hésitez pas à me donner votre avis :) 

Merci d'avoir lu !

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant