Chapitre 23 (Partie 1/2)

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Mia gisait dos contre une surface dure. Elle entendait des voix, des cris, des hurlements d'agonie. Elle sut qu'elle allait encore revivre cette terrible nuit. Cette nuit de violence, de sang et de meurtres. La nuit de la Révolte.

Elle ouvrit les yeux, mais pas sur le plafond de sa chambre, comme dans ses cauchemars habituels. Elle se trouvait dans un couloir du château d'Oriem. Elle retint son souffle quand elle aperçut son père, entouré de sa garde rapprochée.

Le groupe avançait à une allure soutenue et Mia eut toutes les peines du monde à ne pas se laisser distancer. Les couloirs défilaient sans qu'elle ait le temps de se situer. Mia entendit des cris et grondements lointains. La Révolte venait seulement de débuter. Martian s'arrêta devant une porte contre laquelle il toqua deux coups de manière rapprochée, puis deux autres plus espacés. Alors, il se précipita à l'intérieur de la pièce. Spacieuse, elle était occupée par deux étagères de bois massives, dont la hauteur dépassait trois mètres, débordant de volumes. Un homme était debout derrière deux fauteuils de velours, l'épée à la main. Son visage exprima un vif soulagement quand il vit le monarque apparaître.

Mia étouffa une exclamation quand elle le reconnut. C'était Pierrick. Sa peau n'était pas autant striée de rides, son dos moins voûté par le poids des années, mais ses yeux bleus brillaient du même éclat vif.

— Ça a commencé, déclara Martian. Il faut que tu partes. Retrouve Aldwin, et transmets-lui ceci, ordonna-t-il en sortant un parchemin, que Mia reconnut immédiatement. Donne-le à Miana quand vous l'estimerez prête.

Pierrick prit la lettre et étreignit brièvement Martian, faisant fi des convenances dues à son rang.

— Et vous, Altesse ? Etes-vous prêt ?

Martian eut un bref sourire à l'entente du titre de noblesse. C'était probablement la dernière fois qu'on l'appellerait ainsi de son vivant.

— Pars, maintenant, lui murmura le monarque.

— Martian...

— Je m'y suis préparé. J'ai chéri chaque instant passé avec Miana. Mais je ne vous quitterai jamais, peu importe ce qu'il adviendra.

Pierrick médita le sens de ses paroles, mais Martian lui prit les épaules.

— Je te remercie pour tout ce que tu as fait. Pour moi, pour Irlondor, et pour Miana. Je sais que tu l'accompagneras au mieux.

Il étreignit le vieil homme, muet d'émotion, puis tourna les talons et sortit à toute allure, pour aller chercher sa fille endormie et fuir par la trappe. Pierrick ne tarda à faire de même. Il érigea un bouclier autour de lui et partit dans l'autre direction.

Mia s'apprêtait à suivre son père, intriguée et émue par la scène qu'elle venait de voir, lorsqu'une brutale douleur lui coupa le souffle. Suffocant, elle se sentit aspirée hors de sa vision pour réintégrer brutalement son corps, dont chaque parcelle lui donnait l'impression d'avoir été percluse de coups. Sa poitrine était comprimée, comme par un étau. Elle n'avait même pas la force d'ouvrir les yeux, et ne faisait que subir cette souffrance indicible. Elle perçut des voix, étrangement déformées, résonnant à ses oreilles pour se taire brusquement l'instant d'après. Elle fit un effort, mais ne parvint à en comprendre le sens. Son corps était lourd, engourdi, son esprit s'enfonçait dans une brume cotonneuse.

— Vous l'avez sous-estimée. Sa réaction a été trop puissante et lui a fait perdre la quasi-totalité de son énergie. Cela pourrait lui être fatal.

— Nous avons les moyens de la contrôler et de l'asservir, répondit la voix de Jarle. La laisser mourir serait gâcher son potentiel.

— Très bien. Je lui transmets une part de ma magie.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant