Chapitre 22 (Partie 1/2)

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Soraya tint parole. Dans la nuit, elle revint avec une dizaine de gardes fidèles ou révoltés par l'emprisonnement des mages. Les soldats présents furent forcés d'assister à la libération des captifs, tenus à l'écart par les lames de la princesse. Emmenés hors des cachots, la vingtaine de mages se vit offrir des vivres et chevaux à l'entrée du palais.

Soraya doutait que Mahakrin ordonne leur poursuite, mais elle fit mander la moitié de sa garde pour les guider jusqu'à des terres plus sûres, en dehors d'El Ardyr. La nouvelle ne plut pas à ses hommes, inquiets de la réaction de Mahakrin envers sa sœur quand il apprendrait ses actes, mais la princesse réfuta leurs protestations. Elle n'avait pas libéré les mages pour qu'ils soient de nouveau capturés après quelques heures de liberté. De plus, elle était persuadée que son frère n'aurait pas le cœur de la sanctionner trop sévèrement. Ses minces remords furent étouffés par le soulagement et les remerciements qu'elle lisait dans le regard des mages avant qu'ils ne partent.

À présent, c'était surtout la venue de Timoriens à El Ardyr qu'elle redoutait. Elle ne savait pas exactement ce que son frère avait écrit dans sa missive. Avait-il mentionné un groupe de mages arrêtés, ou était-il resté vague ? Il était néanmoins trop tard pour s'en inquiéter. La princesse rejoignit sa chambre, mais ne put trouver le sommeil. Elle savait qu'il n'était qu'une question de minutes jusqu'à ce que son frère tambourine à sa porte pour condamner ses actions.

Soraya ne s'était pas trompée. Au cours de la journée, les récriminations et hurlements de Mahakrin résonnèrent encore dans ses oreilles. Elle avait bravé l'ire de son frère avec dignité, mais elle n'en menait pas large : elle ne l'avait jamais vu dans un tel état, lui d'ordinaire si calme. Ses dernières paroles l'avaient glacée, mais pas totalement surprise. Tu en subiras les conséquences, aussi déplaisantes soient-elles.

***

Il fallut trois semaines pour que la menace soit vérifiée. Les Timoriens envoyés par Jarle arrivèrent à El Ardyr, menés par leur commandant. Talyon s'était vu confier la rencontre en Almar dès que Jarle avait appris l'emprisonnement des mages survivants de la récente Purge. Ses hommes et lui avaient chevauché à vive allure jusqu'à la capitale, nuit et jour, pour rattraper le temps que leur prendrait le contournement du désert.

Il aurait pu envoyer Nataniel et Adelm, mais leur mission d'évaluation des mages dans les convois était primordiale. Talyon, lui, n'aurait pas à estimer les capacités magiques des prisonniers. Ses ordres étaient clairs. Éliminer ces résistants jusqu'au dernier. Ils avaient survécu à la Purge, ce qui montrait leur dangerosité et résilience. Aucun risque ne serait pris.

De plus, il ne pouvait s'empêcher de conserver sa méfiance envers Adelm, malgré l'absence d'informations concluantes de la part de Nataniel. Le jeune homme était un mage. Certes, comme le baron Lorek, il semblait acquis à la cause de son monarque, mais cela s'était d'abord fait sous la contrainte. Jamais il ne lui accorderait sa pleine confiance.

Ainsi était-il satisfait d'avoir été envoyé en Almar. Malgré la fatigue, il avait aussitôt été reçu pour rencontrer le monarque. Assis en face de Mahakrin dans le salon royal, après les politesses d'usage, il demanda derechef d'être emmené jusqu'aux prisonniers.

— Je suis au regret de vous décevoir, mais nous n'avons à ce jour qu'une prisonnière, déclara Mahakrin, sans un regard envers sa sœur.

Talyon riva son regard au sien.

— Vous étiez censés nous livrer vingt-deux rebelles responsables de crimes en Irlondor. Son Altesse Royale n'appréciera pas votre incapacité à respecter le marché qui avait été fait.

Mahakrin se crispa. Sa garde rapprochée remua, outrée par l'outrecuidance du commandant. Mais Talyon n'en avait cure. Il savait parfaitement qu'Almar était dépendant d'Irlondor.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant