L'Héritage d'Irlondor

Chapitre 25 (Partie 2/2)

Les jours se succédèrent, et le renégat continua à enseigner à Mia la magie de corps sur les prisonniers. Toujours des hommes et femmes coupables de petits larcins. Mia obtempérait. Elle pouvait rompre les os d'une cassure nette, ou les briser en de minuscules fragments, sans amputer le membre pour autant comme lors de sa première leçon. Elle pouvait faire cesser le flux de sang dans un organe, ou emprisonner les battements du cœur. Elle pouvait faire souffrir, appliquer la prétendue justice du baron.

Mais elle n'était jamais allée au bout. Elle n'avait pas encore tué. Et Lorek devait voir si elle était désormais prête à aller jusque-là.

Toute étincelle de défi avait disparu de la jeune fille, mais il savait que ce qu'il lui demanderait pourrait la faire resurgir. Aussi choisit-il soigneusement sa cible.

Ce choix aurait de lourdes conséquences, il en était conscient. Car si Mia remplissait ses attentes, il serait temps pour lui de dévoiler une part de son jeu. Et il n'y aurait aucun retour en arrière possible.

***

Comme chaque après-midi, Mia fut conduite dans la pièce où Lorek l'entraînait. Sa future victime était déjà présente. Un homme, qui ne devait pas être emprisonné depuis longtemps, car il n'était pas vêtu des haillons habituels. Avec stupeur, Mia reconnut sa tenue. Il portait la tunique gamboisée, arborée par les Timoriens sous leur plastron.

Qu'avait fait ce soldat pour que le baron décide de le mutiler ? Avait-il le droit de faire subir un tel traitement aux hommes du roi ?

Mia leva un regard interrogateur vers le baron qui l'observait, comme s'il devinait le cheminement de ses pensées.

— Tu appliqueras ma sentence. Son statut ne change rien.

Mia fut assaillie de sentiments ambivalents. Lorek ne lui avait pas détaillé la raison de son inculpation. Mais d'autre part, ce Timorien avait sans aucun doute participé aux traques et meurtres des mages. Des crimes bien plus importants aux yeux de Mia. Elle tendit alors la main, au-dessus du corps de sa victime inconsciente, et attendit les directives.

— Tu vas agir uniquement sur son cœur.

— Je... je ne comprends pas, maître.

— C'est pourtant simple. Tue-le.

Mia recula, figée de stupeur. L'ordre sembla résonner, hurler dans son crâne. Non... Il ne pouvait pas lui demander de faire cela... C'était impossible.

— Je ne peux pas... murmura-t-elle.

— Tu as le choix. Sais-tu combien de mages cet homme a tué ? Crois-tu qu'il ait eu un seul remord en les égorgeant tel du bétail ? Qu'il hésiterait à recommencer ?

Mia ne répondit pas. Sentant sa résolution faiblir, le mage se fit persuasif.

— Je te demande cette action en ma faveur. Jusqu'alors, tu as eu un comportement exemplaire. Mais tu sais ce qui arrivera si tu es trop faible pour continuer.

Il sut qu'il l'avait convaincue quand elle se rapprocha lentement du soldat. Tremblante, Mia s'agenouilla à ses côtés.

— Place ta main au-dessus de sa poitrine. Concentre-toi. Sens les battements de son cœur. Maintenant, fais-les cesser. Laisse ta magie emprisonner son cœur, contenir son action.

Mia allait libérer sa magie quand l'homme ouvrit les yeux. En voyant la jeune mage penchée sur lui, ses yeux s'écarquillèrent d'effroi. Malgré ses efforts, il ne put se mouvoir. Le renégat l'en empêchait. La supplication muette du soldat renforça l'indécision de Mia. Il n'était qu'un jeune homme. Il avait une famille qui l'attendait, quelque part dans le royaume.