Chapitre 9

999 107 86
                                    

Le jeune garçon courait, seul. La solitude ne le dérangeait pas. Il aimait s'isoler et parcourir les bois. Les arbres feuillus laissaient filtrer les rayons du soleil, juste assez pour que la forêt ne soit pas trop sombre. Les animaux le regardaient gambader joyeusement, tandis que les oiseaux offraient leur mélodie apaisante.

Son souffle était régulier, ainsi que son rythme. Malgré ses jambes fines et son allure frêle, on devinait qu'il avait l'habitude de courir.

Il s'arrêta près d'un petit étang, dont la surface miroitait, et trempa sa main dans l'eau. Il venait régulièrement ici, il s'y sentait bien. Loin de Lijden, son village, et loin des autres enfants qui le trouvaient différent. Trop différent.

Sa mère désapprouvait ses escapades dans la forêt. Elle disait que ce n'était pas sûr en ce moment, et que les animaux pourraient l'attaquer s'il s'aventurait sur leurs terres. Elle était souvent préoccupée, depuis quelques temps. Il avait beau la questionner quand il la voyait de sombre humeur, elle lui répondait en souriant qu'il était trop jeune pour savoir.

Il soupira. Elle s'inquiétait toujours pour rien. Il sentait que les animaux n'avaient pas peur : ils ne se cachaient pas à son approche, et n'avaient jamais été menaçants. De plus, il respectait la nature plus que tout autre enfant de son âge.

Il observait l'ondulation des eaux, quand il entendit un craquement. Se retournant promptement, il aperçut un cerf qui le regardait. Ses bois étaient gigantesques et son pelage gris annonçait l'arrivée imminente de l'hiver. Face à cet animal beaucoup plus grand que lui, il se sentit minuscule. Prenant son courage à deux mains, il s'avança, pas à pas, en direction de celui-ci, retenant son souffle. Quand il fut proche, il tendit la main pour le caresser et, à sa grande surprise, le cerf le laissa faire.

Le garçon repensa à sa mère, et un petit sourire se dessina sur son visage, dont les yeux bleus brillaient d'un éclat de joie. Il savait qu'il avait un don avec les animaux. Loin d'être craintifs avec lui, ceux-ci étaient même affectueux. Son père, lui, serait fier lorsqu'il lui raconterait ce qu'il venait de se passer.

Le cerf se dégagea brusquement et détala à toute vitesse. Le jeune garçon, surpris, poussa un petit cri, perdit l'équilibre, et tomba dans l'eau. Se demandant ce qui avait bien pu passer par la tête de l'animal, il pataugea et sortit en grommelant, complètement trempé. Il s'ébroua comme un chiot, enleva sa tunique et l'essora. L'eau n'était pas encore glaciale, mais il était sûr que sa mère allait le gronder lorsqu'elle le verrait rentrer avec ses habits mouillés. Il soupira, maudit son imprudence et prit le chemin du retour, à vive allure pour se réchauffer.

Au sortir de la forêt, il vit ce qui avait pu effrayer l'animal. Une colonne de fumée d'un noir d'encre montait dans le ciel. Le jeune garçon la contempla quelques instants, incapable d'en détacher son regard, puis il réalisa soudain qu'elle venait de son village.

Devait-il aller voir ce qu'il se passait ? Ils avaient dû être attaqués !

L'idée de fuir vint à son esprit, mais il pensa à sa famille restée là-bas, et se décida à aller voir. Il marchait d'arbre en arbre, en espérant que personne ne puisse l'apercevoir. Une odeur âcre de sang et de combustion lui donna des haut-le-cœur alors qu'il entrait dans le village.

Il parcourut les premières rues de Lijden sans rencontrer âme qui vive. Le silence angoissant n'était troublé que par les cris des charognards qui tournaient en rond, non loin de là. Prudemment, il scruta les environs, mais aucune présence ne se manifesta. Les maisons étaient désertes.

Il plaqua sa tunique sur son visage, tant l'odeur était forte, et se rapprocha du centre du village. Il avait peur. Peur de ce qu'il allait découvrir là-bas.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant