Chapitre 26

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Les immenses rempartsentourant Oriem étaient gardés par un régiment de soldats. Ces derniersassistaient aux clameurs continues d'une foule en rogne, dans la plaine, ponctuéede nombreux convois, à une distance raisonnable des fortifications. Des barrages avaient été mis en place pour contrôler le flux des arrivants. Insultes et provocations fusaient de la part des paysans, mais elles se tarissaient dès qu'une épée était dégainée. Malgré tout, si la situation s'éternisait, elle pourrait imploser soudainement et se transformer en véritable hécatombe.

La cause de cette tension palpable était des raids menés par les mages sur des escadrons épars de Timoriens, responsables de plusieurs centaines de victimes. Ces mages, réputés comme sanguinaires et impitoyables, ne laissaient que des cadavres derrière eux. D'une efficacité redoutable, ils s'étaient séparés en petits groupes pour attaquer simultanément des avant-postes. Mais les offensives, d'abord imprévisibles, menaient inexorablement vers le nord. Vers Oriem.

Un vieillard aux cheveux grisés et à la carrure frêle se fraya un chemin parmi les paysans, marchands et voyageurs bloqués. Comme ils s'en étaient doutés, les Timoriens avaient fini par comprendre quel était leur véritable but. Parmi les explications confuses des villageois, quelques bribes d'éléments furent récurrentes : tout accès à la ville semblait empêché à cause d'une attaque imminente de mages. Mais ils ne pourraient pas contenir la troupe de mages qui criaient vengeance. Pierrick avait déjà vécu un coup d'Etat. La seconde Révolte qui s'annonçait charrierait aussi son lot de sang et de barbarie.

D'abord réticents à emmener leur ainé, Pierrick les avait convaincus par sa connaissance d'Oriem et du château royal, qui serait primordiale pour affronter Jarle. Il devait rejoindre Ewann, Elihan et la dizaine de mages campés dans la forêt aux abords d'Oriem. Le groupe dirigé par Lénor les avait ralliés la veille.

Depuis deux mois, ils avaient parcouru deux royaumes et porté les flammes de la rébellion plus fort qu'ils ne l'avaient fait un quinze ans. Ils avaient amoindri les forces des Timoriens. Au début, Elihan et Ewann avaient été réticents à s'engager dans les combats. Mais ils ne purent rester sans agir quand leurs frères d'armes risquaient leur vie face à l'oppresseur. Les demi-mesures n'étaient plus permises, chaque combattant faisait la différence.

Malgré tout, Pierrick regrettait qu'une voie plus pacifique n'ait pu être trouvée. C'est pourquoi il était encore là, dans l'espoir d'aider à la passation du pouvoir si Jarle était défait. Cette pensée était utopique. Ils n'avaient que peu de chances de s'en sortir, et surtout pas lui, un vieux mage qui avait vécu trop de guerres et de massacres pour les compter. Peut-être qu'il voulait juste périr en tentant de sauver Irlondor...

Pierrick s'enfonça dans la forêt, jusqu'à ce qu'il parvienne à l'abri qu'ils avaient construit, à leur arrivée. Utilisant leur magie sur la végétation, ils avaient taillé des prises sur les larges troncs des chênes, qui permettaient l'ascension jusqu'à une plate-forme boisée, six mètres plus haut, cachée par l'épais feuillage. Un mage était chargé de la surveillance, glissant son esprit dans celui des animaux pour observer les alentours.

Quand un oiseau vint chanter à son oreille, Pierrick sut que ses camarades étaient prévenus de son retour. En effet, les mages descendirent dans la minute qui suivit pour écouter son rapport. Ils durent ensuite décider du moyen d'entrer dans la capitale sans être repérés.

— Même en longeant l'enceinte, nous ne trouverons pas d'entrée, déplora Elihan.

— Quand je me suis échappé avec Mia, nous avions suivi un vieux conduit d'évacuation, mais il se déversait dans la rivière à bien cinq pieds de haut, se rappela Ewann. Nous ne pourrons pas le réemprunter.

— On peut tenter un passage en force où les effectifs sont moins importants ?

— Même avec le groupe de Lénor, nous ne serons qu'une douzaine. Et dans le cas où nous arriverions à entrer, la garde entière seraient alertée.

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant