Chapitre 4 (1/2)

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Mia se réveilla en sursaut. Était-ce déjà le matin ? Elle avait l'impression de n'avoir dormi qu'une poignée d'heures. L'esprit encore embrumé, elle se redressa et comprit la raison de son réveil. Des chocs avaient retenti. La porte de sa chambre venait de s'ouvrir à la volée. Une silhouette entra en trombe, bondit sur Mia et lui plaqua la main contre sa bouche, étouffant son hurlement.

— Ne crie pas, murmura l'intrus. C'est moi, Ewann.

Son étreinte se relâcha sur Mia quand elle cessa de se débattre.

— Que fais-tu là ? murmura-t-elle, se remettant de sa frayeur.

— Je me suis échappé quand ils m'ont choisi. Nous n'avons pas beaucoup de temps, suis-moi !

— Je ne peux pas partir. Mais tu as une chance de t'enfuir.

— Pas sans toi. Jarle est dangereux, tu dois me suivre ! Nous avons besoin de toi, Mia

Nous ? Tu... tu fais partie des rebelles ?

Mia prit son silence pour un assentiment. Elle se dégagea d'Ewann d'un geste brusque.

— Je sais ce que les mages ont fait ! Ils ont tué mon père lors de la Révolte ! Ne compte pas sur moi.

— Ce sont des mensonges ! Jarle t'a trompée pour te rallier à lui.

Mia refusa de l'écouter. Elle jeta un regard sur la porte ouverte, y voyant une échappatoire. Mais Ewann fut plus rapide. La porte se referma dans un bruit sec, comme sous le souffle d'une bourrasque.

— Je regrette, mais je n'ai pas d'autre choix, s'excusa le mage.

Il s'avança vers Mia qui, acculée au mur, avait perdu tout espoir de fuite. Elle se mit à trembler, et une sensation familière s'empara d'elle. Terrifiée, elle sentit sa puissance abonder, parcourir son corps. Soudainement, Ewann se figea. Il n'arrivait plus à avancer vers Mia, bloqué comme si un bouclier s'était érigé entre la jeune fille et lui-même. Il essaya de rompre l'obstacle. Mia n'avait aucun contrôle sur sa magie. Sa protection s'effondra en peu de temps. Elle chancela, privée de force, et s'affaissa contre le mur, haletante.

Ewann se précipita vers elle, s'agenouilla, puis appuya la paume de sa main sur son front, son regard rivé au sien.

Mia ressentit une douce chaleur se répandre dans son corps. Elle réalisa qu'elle n'arrivait plus à se mouvoir, mais voyait tout ce qui se passait. Elle était comme prisonnière de son propre corps. Son esprit semblait flotter, engourdi, la privant du moindre mouvement. Elle sentit Ewann la soulever et la charger sur son épaule, et ils sortirent de la chambre. Elle eut le temps de voir, à côté de la porte, deux gardes allongés sur le sol du couloir. Inconscients ou morts, elle n'aurait su le dire.

Ils traversèrent les couloirs au pas de course, ne croisant pas âme qui vive. En arrivant en bas d'un escalier, le mage se colla contre le mur et aperçut une demi-douzaine de gardes, en faction devant l'entrée principale du château. Ils bavardaient avec animation, mais resteraient alertes.

Il devait rebrousser chemin et trouver une autre issue. Il se dirigea vers les cuisines. À son grand soulagement, elles étaient désertes en cette heure nocturne. Il entrebâilla la porte d'accès à l'extérieur, mais elle menait dans une cour. Ils ne pourraient la traverser sans se faire prendre par des gardes, sur le chemin de ronde. Une bouffée d'espoir le prit quand il avisa un panneau coulissant, au fond de la pièce. Il avait trouvé leur porte de sortie.

L'odeur répugnante l'agressa quand il se faufila dans le conduit d'évacuation des eaux usées. Il s'efforça de respirer par la bouche. Il avait glissé Mia dedans et progressait derrière elle, rampant dans le canal en pente légère. Il se hâtait tant bien que mal. Chaque seconde était essentielle. Il aurait pu libérer la jeune fille de son emprise, mais avec la crise de claustrophobie qu'il avait vue dans les cachots, il craignait que cela les retienne. Enfin, il vit une légère lumière qui les attendait au bout. Son soulagement fut cependant de courte durée. La poterne qui menait à la sortie était de moitié plus étroite. Ils ne passeraient pas. Les mains posées sur la pierre, Ewann sentit leur nature, différente de celles formant le conduit. L'orifice avait dû être en partie colmaté pour empêcher toute intrusion.

Puisant dans ses forces, il fit jaillir sa magie. Un mince rai, doré, percuta les pierres, qui se fissurèrent sous le choc. Il dut recommencer deux fois avant que le passage soit débouché. Haletant, il sentit Mia remuer contre lui. Il renforça son joug magique, au risque de s'épuiser. Il allait passer la tête par l'ouverture quand il entendit des voix.

Des gardes s'étaient approchés, sur le chemin de ronde qui surplombait le rempart dans lequel ils étaient terrés, alertés par le bruit. Ewann entendit leur discussion, le cœur battant, et poussa un soupir quand leurs paroles s'estompèrent. Ils pouvaient enfin y aller. Il se pencha à travers l'orifice et avisa la rivière qui serpentait, à une bonne dizaine de pieds sous eux. Ils n'avaient d'autre choix que de sauter. L'aube serait bientôt là, mais ils pouvaient encore profiter de l'obscurité pour ne pas être aperçus. Il poussa Mia à l'extérieur, avant de s'extirper du conduit à son tour. La chute fut brève. Des milliards d'aiguilles semblèrent se planter dans sa peau quand il entra en contact avec l'eau glaciale. Il réprima un cri. Il se débattit, toucha le fond, remonta et aspira une grande goulée d'air. Il chercha Mia du regard, avant de la voir qui peinait à se maintenir à la surface. Le carcan magique qui la contraignait avait cédé lors de leur immersion. Il la rejoignit pour l'aider.

— Inspire profondément, on va plonger.

Il craignait que des gardes aient entendu leur chute. Ils nagèrent sous l'eau, emmenés par le courant, avant de remonter à la surface, à bout de souffle. Ewann avisa les remparts, et vit avec horreur que les hommes couraient, criant des ordres. Cependant, ils ne regardaient pas dans leur direction. Ils avaient simplement dû apprendre la fuite du mage, et peut-être celle de Mia. Il nagea frénétiquement vers la berge malgré ses membres engourdis, Mia accrochée à lui. Ils l'atteignirent, transis de froid, éreintés. Ewann se redressa avec difficulté et releva Mia.

— Suis-moi, ordonna-t-il, gardant une poigne de fer sur l'avant-bras de sa captive. Reste discrète. Si les soldats nous trouvent, ils ne feront aucune différence entre toi et moi.

Ils empruntèrent une multitude de ruelles qui menaient vers les quartiers pauvres, où il serait plus facile de se dissimuler – pour l'instant. Seule l'adrénaline et la peur de se faire arrêter à nouveau leur permettaient d'avancer encore, un pas après l'autre, grelottant. Enfin, ils arrivèrent près d'une auberge délabrée qui faisait triste mine, avec ses fenêtres crasseuses et une porte à moitié sortie de ses gonds.

Devant le bâtiment se tenaient deux personnes, avec trois chevaux à leurs côtés. Parés de longs manteaux, elles se dirigèrent vers eux dès qu'ils les aperçurent. Dans les lueurs du soleil levant, Mia vit un homme, dont le visage s'éclaira de soulagement à leur vue, et une femme qui le suivait.

— On doit partir au plus vite, les prévint Ewann, faisant fi de toute formule de retrouvailles. Les Timoriens seront bientôt à nos trousses.

Il s'empara d'une corde sur une des montures et se tourna vers Mia.

— Je sais que tu n'en as pas envie, mais tends tes mains.

Mia l'affronta du regard. Elle tremblait, affaiblie, mais sa colère flamboyait. Il lui avait désespérément menti, l'avait enlevée, et Jarle penserait à présent qu'elle s'était enfuie.

— Tu es méprisable, répliqua-t-elle.

— Assez, intervint la mage. On n'a pas de temps à perdre. Tu obéis, ou nous t'y obligerons, et je peux t'assurer que ce trajet sera inconfortable.

Capitulant, Mia se laissa lier les mains. Le mage la hissa sur le cheval, avant de monter à son tour. Il posa ses mains contre le dos de Mia.

— Tu tomberas en hypothermie si je ne te réchauffe pas, la prévint le mage après qu'elle eut voulu rompre le contact.

Mia se fit violence, mais se laissa faire. Une chaleur bienfaitrice emplit sa poitrine et se diffusa dans son corps. Ses frissons cessèrent, et la teinte bleutée de ses lèvres s'estompa. Le mage couvrit ensuite Mia d'un manteau qui dissimulait ses entraves et acheva de la réchauffer. Ils parvinrent au pas jusqu'aux fortifications, franchirent le pont levis, baissé à l'aube. Quelques instants après, les cloches de la ville résonnèrent, le pont fut relevé, mais ils galopaient déjà dans la campagne d'Oriem, emmenant Mia vers une destination inconnue. 

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Etes-vous surpris par la tournure des événements ? (petite pensée pour la pauvre Mia qui se fait trimbaler partout ^^) Que pensez-vous qu'il va se passer ensuite ? 

Merci d'avoir lu ! 

L'Héritage d'IrlondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant