CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX .2

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Erwan poursuivit en montrant les ronciers environnants qui cachaient encore la majeure partie des trésors qu'ils recelaient.

— L'important est que, pour ton domaine, nous puissions en trouver assez pour subvenir aux besoins des gens. Les rapports parlent d'arbres fruitiers, de quelques pommiers, poiriers. Bien entendu, ils ne donnent pas des troncs aussi beaux que des chênes ou des hêtres, mais la nourriture qu'ils apportent est bien plus importante.

— Et que vas-tu faire des deux chênes marqués par mon père ? en profita pour demander Tranit.

— Tu peux les réclamer, lui signala Erwan. Ils sont sur ton territoire en fait.

— Non seigneur, personne ne pourra s'installer dans cet endroit avant bien longtemps. Ils te seront sans doute bien plus utiles qu'à moi.

— C'est un présent... royal, Tranit, reconnut le jeune homme.

Il resta un instant songeur avant d'ajouter.

— Avec leurs troncs, il devrait être possible d'y creuser au moins quatre navires de la taille des corvettes aériennes de Carcassonne. Peut-être six même.

Il leva les yeux au ciel, souriant, incrédule, presque. — As-tu idée de la fortune que cela représente ? Lui demanda-t-il.

— Aucune ! répondit Tranit en souriant. Cela dépasse mes connaissances. Il y a encore dix jours j'ignorais le prix d'un simple chariot de transport. Je n'ose même pas penser au prix de la Barcusane et de son territoire, avec tous les travaux que tu y fais faire et tout ce que tu y trouves.

— Je comprends. Mais je pense qu'avec ces troncs, tu pourrais sans doute t'acheter un tel apanage auprès d'un seigneur ou d'une cité libre.

— Alors ils te reviennent seigneur. Ce que tu as fait avec la Barcusane le mérite.

— Tu sais bien que je ne l'ai pas fait gratuitement, souligna Erwan. En disposant ici d'un territoire ami, je renforce ma situation politique vis-à-vis de tous les seigneurs de la région, même si la plupart ne s'en rendent pas compte.

Tranit haussa les épaules.

— Cela m'indiffère seigneur. Prends les troncs. Je pourrais à la rigueur conserver les souches, les branches. Il doit y avoir de quoi construire de nombreux chariots, des bateaux de pêches aussi.

Erwan approuva d'un léger sourire.

— Soit ! Il nous faudra attendre le prochain orage et les pluies pour gonfler les cours d'eau et permettre aux troncs de flotter. Les souches seront transportées au plus près de ton village de Pontdansl'arbre, avec la plus grande partie des branches. Tes gens et mes hommes pourront préparer des abris pour permettre au bois de sécher.

Si quelques branches sont dignes d'intérêt, pour nos hélicos, elles seront mises en réserves à la Barcusane. C'est qu'il faudra prévoir avec l'usure, la casse accidentelle et même des pertes au combat.

En l'écoutant, Tranit réalisa qu'elle avait fait abstraction des possibilités de pertes. On ne parlait pas ici d'une expédition punitive contre des brigands un peu trop sûrs d'eux, mais bien d'une guerre.

Saert avait réunis près de douze mille hommes de guerres et entendait les lancer à l'assaut d'une des plus importantes seigneuries dont Tranit eut entendu parler.

Même si elle passait son temps à entraîner son régiment à manœuvrer pour une attaque qui les couvrirait de gloire, à imaginer de drôles de chariots volants et à utiliser des armes à la puissance incroyable, Tranit se rendit compte que cela ne se limiterait pas à l'élimination de quelques dizaines d'hommes mal armés, plus pillards que guerriers.

Les larmes de Tranit - 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant