CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEPT .4

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Saert fit redoubler les applaudissements puis fit un signe à l'un de ses écuyers. Celui-ci, sans se douter d'être observé par plusieurs cavaliers prêts à l'abattre au moindre signe suspect, appela un serviteur et des boissons furent apportées en grande quantité, ainsi que des mets froids pour être grignotés tout en bavardant.

Erwan raccompagna Saert à son trône et plusieurs personnes voulurent s'approcher pour le féliciter, mais Erwan calma leur ardeur d'un geste calme.

— Ne me félicitez pas pour si peu. Je ne réclame pas le maréchalat de l'armée du prince Saert. Votre altesse, vous disposez ici d'hommes admirables et compétents.

Le duc Rowen assisté du légat de Maubourguet seront les meilleurs commandants que vous pourrez espérer pour réaliser cette campagne.

Même le roi Wélaxix, père d'Awèl et mon oncle, m'a parlé de ces deux hommes et de leurs hautes compétences.

Les visages se tournèrent vers un homme assez âgé à l'air maussade qui se trouvait un peu en retrait de la troupe de courtisans, assis sur une chaise pliante.

Il sembla le premier étonné de s'entendre nommer mais ne le montra pas trop longtemps et se releva prestement. Il adressa une sèche courbette à l'adresse d'Erwan.

— Bien aimable à vous seigneur d'Asasp. Le roi Wélaxix est bien généreux de m'avoir cité.

— Mais il en avait toutes les raison monsieur le duc.

Erwan se tourna vers Saert qui acquiesça d'un léger signe de tête, semblant satisfait de la tournure que prenaient les évènements.

Erwan comprit qu'il était indécis, en permanence assailli par le doute et qu'il avait peur de décevoir. Il n'était qu'une petite poupée faite pour plaire et servir de paravent à sa famille, rien d'autre finalement,

Lui mettre Rowen et le légat à la tête de ses troupes allait énormément le soulager.

— Mais alors mon cousin, que souhaitez-vous obtenir ?

— Simplement ce que j'ai demandé dès le premier jour, votre seigneurie. Laissez-moi l'honneur de capturer les forteresses du Mas-d'Azil, les Imprenables. Je me contenterai de diriger l'arrière-garde de votre armée, mais c'est moi qui vous ouvrirais les portes de la célébrité !

Les officiers d'Erwan applaudirent de nouveau pour souligner les propos de leur seigneur et Saert sembla aux anges quand sa suite l'applaudit de concert.

Il porta la main au cœur en signe de remerciement.

— Soit ! Un seigneur prophète m'ouvrira les portes de la gloire ! Maréchal Rowen ? Qu'est-ce que vous décidez ?

— Votre altesse, dit le petit homme en conservant son air maussade mais parlant d'une voix étonnamment forte et rocailleuse. Le légat assurera la direction de l'avant-garde de notre infanterie. La milice Maubourguétoise complétée par un bataillon régulier sera suffisante.

J'aimerais que votre cousin Sinian dirige la cavalerie d'avant garde. L'aile gauche au comte de Pontacq, la droite avec le bagage et le matériel pour le comte de Tournay.

Les nommés ne pouvaient se retenir d'afficher leur satisfaction. Ces nominations étaient attendues depuis le premier jour et Saert avait en permanence remis à plus tard. Là, il ne pouvait plus qu'approuver ce que lui demandait Rowen.

Bien sûr, il allait falloir dans chaque unité décider de la place de chacun, mais des chefs forts ayant été choisis, cela se passerait beaucoup plus facilement qu'on ne pouvait le craindre.

Erwan vit plusieurs visages devenirent graves, certains comprenaient que les choses sérieuses allaient enfin commencer, mais d'autres affichaient leur mécontentement. Lasseube était bien entendu de ceux-là. Il avait dû espérer une nomination à un poste important, signe d'enrichissement lors des pillages.

Il venait avec un fort contingent, le domaine de son père était vaste et malgré une très mauvaise gestion, il était fort peuplé. Le Lasseube pouvait mobiliser d'importantes troupes, sans doute plus que Louvie Jouzon, officiellement son suzerain.

Erwan redoutait qu'il ne pose problème et l'espace d'un bref instant, la nécessité de l'abattre se fit pressante dans son esprit. Il poussa un profond soupir, s'alluma une nouvelle cigarette et se dit que Rowen allait pouvoir s'occuper d'un tel gaillard.

Rowen justement venait de demander à Awèl s'il pouvait s'occuper de la cavalerie du corps principal.

— Je suis un fantassin, maréchal, lui répondit le jeune homme. Un dorkis ou un Erkis ne me sert qu'à me déplacer. Je me bats à pied avec mes lignes d'arbalétriers, mes massiers et mes piquiers.

— Et plutôt bien, si les rumeurs sur la dernière campagne du seigneur d'Asasp sont justes, lança Rowen de son ton bourru.

— Très en dessous de la vérité maréchal, confirma Erwan d'un air enjoué. Si vous voulez établir une ligne aussi ferme qu'une muraille, c'est Awèl qu'il vous faut. Il est comme son père... en un peu plus petit !

La boutade fit rire Awèl comme Rowen qui connaissait Wélaxix et sa stature de géant.

— Soit, votre altesse, déclara le nouveau maréchal. Je serais honoré d'avoir un homme tel que vous pour mener notre infanterie. Les régiments du corps principal sont à vous. Lasseube, vous et votre cavalerie assurerez le flanc droit du prince.

Pas une trop mauvaise nomination pour qui voudrait réellement participer à l'aventure. Mais le flanc droit, ce n'était pas le flanc noble, celui de la garde et des charges victorieuses, du moins dans l'imaginaire des gens sans expérience.

Le jeune noble eut pourtant une courbette de remerciement envers le nouveau maréchal puis s'écarta de quelques pas pour ruminer en silence derrière les autres.

Les boissons arrivaient, les hussards d'Erwan s'assurèrent avec élégance que leur prophète ne se voyait pas offrir de coupe avec un liquide inconnu. Il reçut une chope d'étain à ses armes remplie de bière fraîche, légère et pétillante.

Le légat avait rejoint Rowen en compagnie de Tranit qui elle aussi dégustait sa chope de bière montagnarde. Elle était la seule officier supérieure présente dans cette salle, mais personne ne l'avait vraiment remarqué.

Rowen avalait une longue gorgée de bière locale avant de se rapprocher d'Erwan qui papotait futilement avec Saert, lequel s'était dépêché de reprendre sa place sur son trône.

— Merci pour votre intervention, seigneur d'Asasp, mais être vous certains de pouvoir faire tomber les Imprenables ? s'enquit-il d'un ton qu'il voulait discrèt mais était fort audible pour tous les gens alentour. N'en avez-vous pas entendu parler par plusieurs des seigneurs de cette noble assemblée lors de nos premières réunions ?

— Bien sûr que si, maréchal Rowen. Mais reconnaissez que ces descriptions étaient quelque peu différentes, incomplètes.

— Rares sont ceux qui ont eut l'occasion de les voir de près, reconnut le vieil homme. De combien de jours avez-vous besoin pour les reconnaître, construire vos tours d'assaut ?

— Inutile, maréchal. Pouvez-vous devinez la hauteur des murailles des deux forteresses ?

— Les chants parlent d'une hauteur vertigineuse.

— C'est bien le mot, confirma Erwan. Aucune tour ne peut les égaler. Nous parlons de plus de cent toises de hauteur.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant