CHAPITRE QUATRE-VINGT-NEUF .3

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Le 30 germinal, champ de manœuvres du second bataillon

Déjà, cela faisait beaucoup trop de « il fallait ». Si au moins elle pouvait rendre son attaque encore plus violente. Assommer les défenseurs avant même que ses hommes n'engagent le combat. Encore une raison de se triturer les méninges et de tenter de trouver la solution.

Tranit se redressa et fit signe au goéland de venir la récupérer. L'oiseau vint quelques instants plus tard se poser près d'elle. Tranit grimpa dessus avec une aisance de mieux en mieux maîtrisée et moins de trois minutes plus tard, se posait près du chariot de commandement du second bataillon.

Une jeune lieutenante l'attendait avec un peloton de chasseurs.

— Barcus 10-20-22, lieutenant Loma à vos ordres colonel.

Elle était donc chef de section de la seconde compagnie. À sa carrure on devinait qu'elle avait l'habitude de manier la large épée à deux mains ou bien la hache de guerre.

Tranit lui rendit son salut.

— Merci, lieutenant. Alors, où en êtes-vous ?

— Les compagnies sont à l'exercice. Comme demandé, un combattant à l'épée pour couvrir un fusilier. Les sergents cherchent les combattants les plus expérimentés au corps à corps.

Tranit approuva d'un signe de tête et montra le chariot.

— 20 Unité s'y trouve ?

— Non, colonel. Il est dans une clairière un peu derrière. Nous avons assez d'espace pour y imaginer un bout de rempart. Pour avoir une idée des distances. C'est aussi vaste que ce qu'on nous a dit ? ne put-elle s'empêcher de demander d'une voix un peu trop enfantine.

Tranit poussa un profond soupir.

— J'en viens et... c'est pire ! Mais on a quelques jours pour s'y habituer, lieutenant. Alors ? Qui se trouve là, fit-elle en montrant le chariot.

— Quelques officiers et enseignes qui ont déjà visité la clairière. Nous essayons d'imaginer un plan d'attaque.

— Excellent ! Dites au commandant de ne pas s'en faire, je vais passer la matinée avec vous. Nous nous rencontrerons plus tard.

Sur un signe de la lieutenante, un enseigne des chasseurs s'occupa de transmettre les instructions. Tranit se retrouva face à une partie de l'encadrement des seconde et troisième compagnies qui avait dessiné un plan détaillé du rempart directement sur le plancher du véhicule. Des dizaines de cailloux de différentes couleurs simulaient les hommes.

Tranit ne put empêcher les officiers de la saluer, mais les incita à retourner à leurs réflexions le plus vite possible. Elle écouta attentivement les idées proposées, apporta le plus de détails qu'elle le pouvait et passa près d'une heure et demi avec eux à composer sur leur plan des possibilités d'attaque. Utilisant l'ensemble des compétences, des expériences, Tranit était vraiment satisfaite de ce qu'elle entendait.

Le commandant du second bataillon arriva à son tour avec la douzaine d'officiers et de sous-officiers qui l'avait accompagné sur leur modèle d'exercice. Après un échange de salut, de signes à quelques officiers que Tranit reconnaissait, dont quelques anciens miliciens l'ayant rejointe, la jeune femme les laissa travailler.

Tranit regarda, écouta les nouveaux venus échanger leurs réflexions avec le premier groupe. À l'invitation du commandant, elle sortit du chariot pour profiter d'une petite pipe de chanvre et d'une chope de chicorée.

Le commandant grimaça.

— Nous avons reçu l'ordre de passer aux vivres de campagne, désolé colonel.

— De rien, s'amusa Tranit. C'est moi qui en aie donné l'ordre. Nous devions forcément nous y mettre, autant que ce soit encore ici. Ça passera mieux pendant le transport. Sinon, vos propres impressions sur notre objectif ?

Le capitaine grimaça un bref instant avant de se lancer.

— Mémorable ! Héroïque et mémorable, colonel. Si toutes les informations données sont vraiment exactes, alors nous seront chantés pour des siècles et des siècles à venir !

— Oui, j'imagine que vous avez raison commandant. Tout ce qu'Erwan a dit est exact. Ce que j'ai ajouté devrait l'être aussi. J'ai même parfois doublé mes estimations. C'est qu'une fois dessus, nous ne pourront plus rebrousser chemin ou attendre de renforts.

— Vous ne pensez pas avoir le temps de faire venir une seconde vague d'assaut ?

Tranit lui montra ses notes prises sur le rempart.

— Je pense que nous aurons besoin d'une heure pour atteindre notre objectif. Cela veut dire que le temps que nous soyons maîtres du chemin de ronde, puis que nous descendions les escaliers, leurs hommes devraient avoir mis en batterie au moins la moitié de leur artillerie, ce qui rendrait la venue d'une seconde vague fort risquée.

Dès le début, nous seront cent cinquante, cent soixante tout au plus pour nous en emparer.

— Et faire face à trois mille hommes ? s'étonna l'officier. C'est bien l'estimation de la garnison ?

— À peu près, confirma Tranit. Par contre, j'ai la quasi-certitude qu'une fois ce rempart entre nos mains, le reste de la forteresse ne servira plus à rien pour les défenseurs.

Devant l'air circonspect de son interlocuteur, la jeune femme poursuivit.

— J'ai vu les photos, Tranit hésita un bref instant sur le mot, et les autres remparts sont bien moins hauts, bien moins épais et surtout pas du tout équipés.

Si nous ignorons tout ce qui peut se trouver dans les immenses bâtiments à l'intérieur de la forteresse, nous sommes certains que ce n'est pas un château ni une cité devant s'attendre à une attaque sur n'importe quel flanc. Ces forteresses ont été bâties uniquement pour faire face à la menace venue des cimes pyrénéennes.

— Mais c'est là que seront leurs meilleurs hommes, la contredit le chef du second bataillon.

— Pas forcément, commandant. Si nous sommes pessimistes, nous pourrons nous attendre à près de cinq cents hommes d'armes sur le pied de guerre pour nous affronter.

Les autres seront ailleurs, occupés à d'autres choses, à se reposer, sans armes, sans encadrement pour les diriger. Notre arrivée devrait les prendre complètement par surprise.

— Et vous dirigerez l'assaut personnellement ? demanda-t-il avec un soupçon d'envie dans la voix.

— Oui, commandant ! confirma Tranit. Si je tombe, le régiment disposera toujours d'un encadrement efficace avec ses commandants, insista-t-elle en le pointant du doigt. Moi, je ne suis là que pour la forteresse, uniquement pour ça ! Vous pourrez dirigez la vague de renfort une fois que nous seront maître du rempart, concéda-t-elle, mais pas avant.

L'officier fit signe qu'il comprenait, même s'il devait éprouver une petite pointe de jalousie. La tâche à effectuer était incroyablement ardue, mais la gloire à en retirer devrait dépasser les plus folles espérances de n'importe quelle personne en quête de succès. Tranit lui montra son chariot de commandement.

— Allons retrouver vos hommes et voyons ce qu'ils nous proposent. Demain, vous pourrez le mettre en pratique.

* * *

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Vixii

Les larmes de Tranit - 4Where stories live. Discover now