CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZE .2

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Soirée du 1er floréal, suite.

Suwane passa dans le cockpit prévu pour deux personnes assises côte à côte. La jeune écuyère se dit qu'il serait aussi possible d'y installer un FLAPACA par sécurité et que le navigateur pourrait s'en servir avec facilité.

Comme pour les chariots ou les coches, le pilote aurait dû se trouver du côté droit mais par facilité pour les commandes, Géhémias l'avait fait mettre au milieu. Néanmoins, le navigateur à gauche du pilote avait assez de place pour se mouvoir et passer à l'arrière si nécessaire.

La sellerie et les commandes avaient bénéficié de quelques améliorations depuis la veille. Le bouton cranté pour insuffler plus d'énergie dans les quartz ainsi que le système de rétraction des gangues étaient maintenant entre les jambes du pilote, bien plus aisément manipulable.

Au-dessus de sa tête, la manivelle pour libérer le système du rotor était maintenant facile d'accès, après avoir été décalée vers l'avant. Le miroir posé sur sa portière droite, le rétroviseur, comme disait Erwan, lui donnait une vue sur son petit rotor arrière qui allait contrebalancer l'effet de rotation de son engin.

Voyant que les portes étaient en train d'être ouvertes en grand pour lui permettre de sortir, Suwane brancha sa dernière prise pour connecter l'ensemble des invraisemblables systèmes qu'Erwan et Géhémias avaient mis au point.

La jeune fille remonta les caches des six puissants flotteurs et sentit son engin s'élever de deux coudées au-dessus de la surface. Elle enclencha un premier cran pour faire circuler un peu d'énergie et poussa son manche de pilotage, faisant avancer son immense chariot de quelques toises avant d'entamer doucement un demi-tour en poussant ses pédales. Une petite contraction dans sa cheville luxée, mais c'était supportable. L'engin avait besoin de bien plus de place pour manoeuvrer, mais vu sa taille, c'était logique.

Avec une certaine inertie, le chariot pivota et se présenta devant l'entrée dégagée. Les élèves-pilotes qui avaient ouverts les portes la regardaient avec émotion et même une certaine ferveur. Ils aimaient tous voler, Adacie et elle s'en étaient assuré dès le premier jour.

La jeune écuyère fit avancer doucement son engin sans le moindre effort apparent et se positionna à l'angle de la dalle de pierre. Le plus ennuyeux restait à faire. Suwane coupa l'arrivée d'électricité et le karranneñv, le chariot du ciel, se reposa sur ses cales de pierre.

Elle devait maintenant grimper sur l'appareil pour débloquer et dégager les perches qui allaient apporter la stabilité à grande hauteur. Elles étaient tellement grandes sur ce modèle, huit toises pour chacune des quatre perches, qu'à l'intérieur il était préférable de les ramener vers l'arrière et de les fixer. Ceci expliquait finalement pourquoi il fallait mieux être deux pour manœuvrer ce modèle.

Suwane quitta son siège et par la soute principale quitta l'appareil pour aller près du petit rotor arrière où les perches étaient fixées à leur extrémité. Suwane délia les sangles de cuir qu'elle rangea dans un petit compartiment aménagé spécialement pour, puis rejoignit la portière latérale où elle attrapa les barreaux d'une petite échelle fixé sur un chevron principal de la carlingue.

Elle se hissa jusqu'au rotor dont elle ôta la goupille de fixation, puis déploya une première perche, qu'elle fixa à l'aide d'une autre goupille métalique, avant de faire tourner le rotor d'un quart de tour et de recommencer pour la suivante. Oui, cela prenait du temps. Une personne bien entraînée aurait dans doute besoin d'une heure montagnarde complète au moins pour installer ou changer les bouteilles, puis effectuer toutes les petites opérations préparatoires à un vol.

Une troupe d'infanterie portée ou de cavalerie aurait le temps de parcourir au moins une lieue complète à toute vitesse. Mais ça serait tout. Une fois son kañv prêt, Suwane pourrait emporter une section d'assaut à une bonne dizaine de lieues dans ce même laps de temps.

Alors que cavalerie ou infanterie, elles, devraient se reposer plusieurs heures au moins deux fois, avant de reprendre au même rythme et couvrir une distance identique. Erwan leur avait assuré que les kañvs n'étaient pas là pour remplacer les chariots, mais seulement pour conduire une troupe d'élite, pour effectuer des opérations spéciales chez l'adversaire.

Et Suwane le comprenait bien. Elle n'imaginait pas un monde ou même un prophète pourrait emporter l'ensemble de son armée en l'air et lui faire parcourir des distances inimaginables en si peu de temps.

Erwan avait sourit lorsqu'elle lui en avait fait la réflexion et était resté un instant songeur avant de déclarer que c'était une idée intéressante. Suwane sourit à son tour en y repensant et poussa un petit grognement de satisfaction lorsqu'elle fut assurée que ses perches et son rotor étaient bien fixés.

Elle entendit un enseigne l'appeler puis lui montrer le nord-ouest, les deux appareils d'Adacie revenaient enfin à la maison forte. Suwane fit signe qu'elle avait bien vu et redescendit au sol pour les attendre.

Les deux kañvs se posèrent à quelques toises l'un de l'autre, à l'autre extrémité de la dalle et une Adacie radieuse descendit du siège passager du premier appareil. Elle lui lança un petit signe l'invitant à l'attendre, avant de se précipiter vers Géhémias qui marchait comme hébété au milieu de la surface.

Suwane n'entendit pas ce qu'Adacie lui disait, mais elle semblait fort satisfaite. Elle donna une série d'instructions à ses élèves, puis rejoignit Suwane, rayonnante.

— Tu allais l'essayer sans moi ?

— Je n'avais encore rien décidé, lui écrivit Suwane en ricanant. Je l'ai juste préparé pour un vol. Tout s'est bien passé ?

Adacie s'offrit une longue gorgée de sa gourde avant d'opiner du chef.

— Oui, vraiment bien. Avec Lonig dans l'autre hélico nous avons pu faire voler tout le monde une demi-heure au moins et tu as vu, seulement en changeant les bouteilles ce midi.

Avec la nouvelle position des flotteurs, nous dépensons moins. Trois heures de vol à trois cents toises et un plus de dix lieues à l'heure.

Erwan parle de nautiques, ajouta-t-elle, songeuse. J'ai pas encore tout compris ; il faudra absolument qu'il me réexplique ce soir.

Suwane montra qu'elle était impressionnée et nota les informations fournies par Adacie et les compara avec les anciennes. C'était flagrant. Presque un quart de temps en plus c'était remarquable.

Comme les élèves de l'escadron d'Adacie venaient lui confirmer que ses ordres étaient bien suivis, Suwane lui demanda par écrit si elle voulait l'accompagner pour un vol d'essai.

— Évidemment, lui répondit la jeune capitaine, je vais pas te laisser filer toute seule. Donne-moi quelques instants.

Adacie retourna auprès de Géhémias et appela Lonig pour une brève discussion avant de revenir auprès de Suwane, l'air enjoué.

— Emmène-moi au ciel, Petite Fée, lui susurra-t-elle en jouant sur le double sens de la phrase.


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Vixii


Les larmes de Tranit - 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant