RONII (Terminé)

101110 (46.1)

 — Je suis prêt si tu l'es aussi, finit-il par dire après avoir un peu bidouillé sur l'ordinateur.

Il faut bien se lancer un jour... Même si ça fait déjà plusieurs fois que je me connecte ainsi à l'ordinateur, j'ai toujours autant d'appréhension à chaque fois, je me livre vraiment à la plus haute forme de vulnérabilité pour un robot. Même si je fais entièrement confiance à Elijah, ça ne change rien au fait que je suis en position de grande faiblesse. Une nouvelle fois, je perds peu à peu le contrôle et ça commence à être étrangement familier, ce qui me met encore plus mal à l'aise... J'accueille presque soulager la perte de connaissance, même si je ne ressens plus grand-chose après ça. Et quand le processus inverse se produit, je me détends de plus en plus, jusqu'à enfin être délivrée du poids de la peur lorsque c'est fini.

— Aller vient, on va tenter de se sortir de ce pays, affirmé-je en me levant une fois le transfert effectué.

— Et il consiste en quoi ton plan ? m'interroge-t-il méfiant.

J'aurais peut-être dû paraître un peu plus sûre de moi, peut-être... Mais aussi, je lui demande juste de me faire confiance, ce n'est pas grand-chose, en plus, je suis la pro de la fuite, je lui ai bien prouvé ces derniers jours. Je lui ai peut-être aussi prouvé que j'avais tendance à nous surestimer, mais ce n'est qu'un petit détail, surtout que malgré ça, nous nous en sortons, alors tout va bien.

— On va visiter la Suisse, rigolé-je en ne mentant même pas vraiment, nous allons traverser la moitié du pays pour aller voler nos futurs nouveaux papiers d'identité.

— Mais encore ?...

— Un petit vol par-ci par-là ne fait jamais de mal...

Et je compte me débrouiller pour leur rendre en plus, alors tout ira bien.

Il me lance un regard désespéré, comme si j'étais un cas désespéré. Au moins, je vais nous sortir de là. Je nous entraîne jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvre dans la volée, m'apprêtant à récupérer l'Audi que j'avais garé devant plusieurs heures plus tôt. Mais avant que je n'aie fait quoi que ce soit, je ressens un violent coup au niveau de la gorge, comme si quelqu'un d'extrêmement puissant m'avait envoyé un énorme coup de poing. Même si je ne respire pas réellement, je me sens étouffée, j'ai vraiment mal, mais je ne sais pas d'où ça vient, devant moi, il n'y a rien d'autre que la montagne.

Soudain, prise d'un mauvais pressentiment, je commence à zoomer dans cette direction. Avant même que je n'aie complètement réagi, je sens une très forte décharge électrique, précisément au même endroit. Je comprends alors qu'il y a un tireur d'élite, là-bas, dans la montagne, avec un fusil à lunette. Je n'ai pas le temps de chercher à comprendre qui c'est que je perds connaissance, exactement comme lorsque mon programme est supprimé, mais cette fois-ci, ce n'est pas du tout progressif, ça me prend d'un coup.

Dans un dernier instant de clarté, je comprends que ça n'a rien d'un bug ou de quelque chose de « naturel », je suis en train de me faire pirater par quelqu'un qui sait non seulement ce qu'il fait, mais aussi ce qu'il veut. Et pire que tout, je suis formelle, ce n'est pas un piratage à distance, ce ne serait jamais aussi rapide. Non, là, quelqu'un m'a implanté directement le virus, quelqu'un m'a tiré dessus avec un dispositif suffisamment solide pour transpercer ma peau et se loger au cœur de mes composants électroniques, ce qui rend le piratage presque instantané et c'est comme ça que j'ai perdu le contrôle.

Rapidement ou peut-être après une éternité, je reprends connaissance ou du moins je récupère une certaine conscience de ce qu'il se passe. Malheureusement, ce retour à la réalité a d'énormes limites, je ne peux absolument rien faire, j'ai l'impression d'être une spectatrice passive devant un film d'horreur. Mais j'ai seulement conscience de ce qu'ils sont en train de me faire, sans que je puisse réagir, c'est comme si j'étais tétanisée, incapable d'agir. Sauf que je ne suis pas devant un film, je suis dans la réalité ou du moins ce qu'il en reste à mes yeux. Je suis prise au piège dans mon propre corps face à ma propre désintégration...