XIII (modifié le 06.11)

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Hansi ferma les yeux.

Le bas du visage enfermé dans son masque à gaz, elle écoutait avec attention le son apaisé de sa respiration qui se mêlait aux ronronnements des moteurs. La gorge nouée, elle déglutit avec difficulté, puis releva la tête. Ses yeux se posèrent sur la haute porte, dont les pans de métal rouillé se dessoudaient lentement.

L'Extérieur ouvrait ses bras décharnés aux êtres humains. Hostile et dangereuse, la Terre accueillait en son sein de nouveaux Explorateurs. De nouveaux cadavres.

Hansi sentit les muscles de ses mains se contracter, tandis que son cœur s'emballait. Assis à l'avant, les lunettes de protection sur le front, Messiah leva son bras gauche. L'intense lumière rouge, qui s'infiltrait entre les deux battants entrouverts, inonda le wagon. Éblouie, Hansi s'efforça de garder les yeux ouverts, fixés sur la silhouette du scientifique, qui se découpait dans ce halo vermeille. Immobile sur sa méca-moto et seul face à cette foule d'enfants terrifiés, il lança d'une voix forte, vibrante de courage :

— Aujourd'hui est un énième jour de lutte. Aujourd'hui sera peut-être une énième défaite. Mais, demain... Demain verra naître les débuts d'une revanche. La revanche de l'Humanité !

Messiah posa sa main droite sur son cœur et, le bras toujours levé, il attendit que les portes s'ouvrent complètement avant de s'écrier :

— Comme tous ceux qui sont tombés avant vous et tous ceux qui tomberont après, vous êtes les porteurs de l'espoir de l'Humanité ! Soyez-en fiers !

Avec habilité, le scientifique fit tourner son bolide face à l'étendue déserte qui défilait à toute vitesse sous ses yeux. Derrière lui, les recrues faisaient ronfler leurs motos. Ils étaient prêts. Malgré la peur, la colère et ce sentiment d'injustice qui leur serrait le cœur, ils étaient prêts. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière. 

Les Pastors les envoyaient en enfer, mais ils en reviendraient.

De violentes bourrasques s'engouffrèrent dans le wagon. Alors que le ciel rougeoyant déversait sa lumière sur les soldats, Messiah baissa brusquement son bras.

— En avant ! ordonna-t-il avant de s'élancer sur la rampe de fer qui longeait l'Agmen.

Impassible, Aeternum continuait sa course, tandis que les damnés s'échappaient de leur cage.

Le corps traversé par l'angoisse, Hansi jeta un œil au Major. Les deux mains fermement accrochées au guidon de son bolide, Lev regardait droit devant lui, avec indifférence. Il observait les nouvelles recrues qui se jetaient à la suite du Scientifique sur la rampe, quand il aperçut la mine terrifiée qu'affichait Hansi. Avec un hochement de tête, il fit légèrement avancer sa méca-moto.

Il serait là, à ses côtés. Ils seraient tous là, tremblants de peur ou impatients d'en découdre. Ils plongeraient ensemble dans les bras de l'inconnu. Et seule la mort pourrait les séparer.

Reprenant confiance en elle, Hansi avança à son tour, suivant le flot mécanique qui se déversait hors du train. L'un après l'autre, les bolides longeaient la paroi avant d'entamer une descente, si raide qu'elle les éjectait à l'Extérieur. Concentrée sur le sol craquelé qui défilait à toute vitesse à une trentaine de mètres, Hansi sursauta lorsqu'un bruit de ferraille fracassé perça le vacarme de la cavalcade d'Aeternum. L'un des soldats avait raté son atterrissage. Pétrifiée, la jeune femme pria pour qu'il soit seulement blessé. Cela faisait quelques minutes à peine que les portes s'étaient ouvertes sur l'Extérieur et, déjà, le danger les guettait, avide de victimes.

La gorge nouée, Hansi réprima la terreur qui l'avait saisie, tandis que sa méca-moto dévalait la rampe derrière celle du Major. Arrivé en bas, Lev accéléra et, lorsque les roues de son bolide rencontrèrent le sol, il s'écarta brusquement pour ne pas être fauché par le train. Alors qu'il aurait dû s'éloigner pour prendre la tête de l'escouade aux côtés de Messiah, le Major resta dans l'ombre de l'Agmen. Il l'attendait.

Deus ex Machina [EN PAUSE]Where stories live. Discover now