Deus ex Machina [EN PAUSE]

XXV

Hansi enfila ses bottes.

Encore en proie au sommeil, elle réprima un bâillement et passa une main sur son visage engourdit. Réveillés à l'aube, tous les membres de la seconde escouade de Découverte s'étaient regroupés dans la zone d'oxygénation du conteneur principal. En silence, ils fixaient les différentes pièces d'armure de leur équipement, enfilaient leur harnais, leurs lunettes de protection et leur masque à gaz avant d'ajuster leur bouteille d'oxygène dans leur dos. Des recycleurs. Hansi les examina avec attention.

Seuls une poignée d'Explorateurs expérimentés avaient le droit de les utiliser. Leur fabrication était trop coûteuse en énergie pour que le Camp puisse en posséder en abondance. Le graphène, aussi utilisé pour la création des pièces d'armure de l'équipement d'Extérieur, se faisait de plus en plus rare. Ces bouteilles étaient le symbole des vétérans. En plus d'être directement liées à une prouesse technologique, elles représentaient la survie de l'humanité dans un univers où l'être humain n'avait plus sa place. Luttant contre la fatigue, Hansi dévisagea longuement ces Explorateurs fatigués.

Ces héros.

Un jour, elle posséderait son propre recycleur. Un jour, elle combattrai à leur côté. Puis, elle se tiendrai à leur place, jusqu'à ce que d'autres prennent la relève.

Refoulant la vague mélancolie qui émergeait dans un coin de son cœur, Hansi s'étira et se redressa, quittant à regret la petite caisse métallique sur laquelle elle s'était assise. Près d'elle, Benedict terminait de serrer les sangles de ses genouillères. Son teint d'ordinaire si pâle prenait des teintes cireuses, presque verdâtres, à la lumière des néons. Il était inquiet. Elle pouvait le comprendre. La première mission d'exploration à laquelle ils avaient participé s'était révélée plus difficile que prévue et le souvenir de leurs camarades, broyés par les puissantes mâchoires de la Bête, les hantait encore.

Mais il fallait avancer.

Esquissant un sourire rassurant, Hansi posa une main sur l'épaule de son ami et, l'obligeant à lui tourner le dos, elle entreprit de fixer une bouteille d'oxygène à son harnais. Voyant qu'il s'apprêtait à lui dire quelque chose, la jeune femme saisit le masque qui pendait à son cou et le lui remonta sur la bouche et le nez, lui coupant la parole.

— Ne t'inquiète pas, le rassura-t-elle. Tout va bien se passer, tu verras !

Hansi s'efforça d'ignorer le regard suppliant que Benedict lui adressait et lui donna une tape sur l'épaule.

— Il faut que j'aille rejoindre le Major. A tout à l'heure !

— Hansi ! s'écria Benedict avec empressement, la voix étouffée.

Tout en enfilant son masque à gaz, elle se retourna pour le dévisager. Il souffla d'une voix tremblante :

— Ne meurt pas.

— Tout non plus ! répondit-elle simplement, avant de le saluer d'un geste de la main.

Hansi traversa le sas de désinfection et, poussant les portes du conteneur avec entrain, elle s'élança à l'Extérieur. Le ciel, encore chargé d'obscurité, laissait émerger les lueurs orangées du soleil. Suivant les torches électriques qui s'alignaient le long des habitations blindées, Hansi erra quelques minutes dans les allées du Camp à la recherche du hangar huit.

Lorsqu'enfin elle pénétra dans l'immense bâtiment, elle découvrit Lev, vêtu de son équipement amélioré, accroupis aux côtés de sa méca-moto. Un sac débordant de lanières de cuir artificiel à ses pieds, il s'appliquait à sangler un épais étui de métal à la carrosserie éraflée de son bolide. À quelques pas de lui, le Premier Major et l'un de ses caporaux s'affairaient. Appuyé contre son véhicule, les bras croisé et les lunettes de sécurité remontée sur son front, Sylean supervisait le travail de son compagnon. Le visage dissimulé par le large casque qui tanguait sur sa tête, le jeune homme peinait à fixer l'épais filet de capture à la méca-moto.