IX (modifié le 23.07.21)

112 22 163
                                    

Les secousses du train et le bruit de son crayon grattant le papier.

Hansi adorait cette sensation, si étrange, qui la faisait vibrer lorsqu'elle écrivait. Assise dans la petite cuisine, elle notait rapidement ses idées. L'air conditionné activée par les bourrasques qui glissaient le long des épaisses parois du train, sifflait vivement, troublant le silence. Hansi n'y faisait pas attention. Elle était tout entière absorbée par ses notes et le chant mécanique nourrissait ses pensées.

Elle avait tant à dire.

Ses mots agités dégoulinaient sur ses feuilles froissées, les colorant d'un gris métallique. Hansi se sentait submergée par cet océan de savoir. Mal installée sur sa chaise sans dossier, elle griffonnait avec une maladresse involontaire, jetant des coups d'œil au vieux livre ouvert à côté d'elle. Hansi était taraudée par le besoin inassouvi d'apprendre, de comprendre et de raconter. Et, de peur de perdre ce qu'elle avait construit dans ses pensées, elle se hâtait de tout écrire.

Un bruit sourd venant de la mezzanine résonna dans l'appartement, la faisant sursauter. Sa mère venait sûrement de faire tomber quelque chose. Hansi fronça les sourcils. Elle avait été dérangée. Son crayon s'immobilisa. Elle avait perdu le fil de son récit. Poussant un grognement irrité, elle relut rapidement les dernières phrases. Impossible de se souvenir de la suite.

Résignée, Hansi releva la tête pour observer la vieille pendule qui dansait face à elle. Il était tard. Elle contempla un instant le mur d'acier, où étaient accrochées trois étagères croulant sous une dizaine de bibelots sans aucune valeur. Le reflet de la lumière contre le métal était fascinant.

Hansi adressa un regard attendri au vieux livre allongé sur la table. Sa couverture de cuir à moitié déchirée, ses pages jaunies, si fragiles, se décomposant sous ses doigts... Elle aimait ces témoignages du passé. Ils étaient de plus en plus rares et seul Chrom, qui lui avait offert la plupart de ces ouvrages, savait où en trouver. Hansi esquissa une grimace agacée. Il arrivait toujours à satisfaire ses envies de savoir.

Savourant la banalité de ce moment, Hansi écouta le lointain vacarme qui s'échappait des appartements voisins. Elle pouvait distinguer, mêlés aux grondements mécaniques de l'Agmen, des bruits de vaisselle et des voix, étouffées par la distance. La mélancolique mélodie de ces êtres inconscients, prisonniers de leur quotidien, qui continuaient à vivre sans jamais chercher à savoir ; tandis qu'elle restait là, assise sur cette chaise cassée, à rêver d'un monde meilleur.

Hansi referma son livre. Elle aimait ne rien faire pendant que les autres s'agitaient. De même qu'elle aimait s'agiter lorsqu'ils se reposaient. Ne pas faire comme eux, en même temps qu'eux, lui donnait l'impression d'être un peu différente. D'être libre. Et cet infime contre-temps ouvrait des portes invisibles sur un nouvel univers, une autre manière de vivre.

Fronçant le nez, Hansi se laissa tomber en avant pour poser sa tête contre la table. Personne ne remarquait jamais son petit manège, ce qui l'agaçait fortement. Les autres avaient toujours été ainsi. Ils respectaient les règles imposées par les Pastors et empruntaient toujours le même chemin, sans rien tenter de nouveau. Ils ne souhaitaient pas penser, ni même savoir et encore moins découvrir. Leur vie, calme et rituelle, leur suffisait. Les quelques excentriques qui s'intéressaient à l'Extérieur étaient immédiatement critiqués et tenus à l'écart du reste des habitants. Seuls les scientifiques avaient le droit de fouiller les ombres de leur Histoire.

Les scientifiques... Hansi poussa un soupir songeur. Ils étaient l'élite d'Aeternum, l'unique espoir de l'humanité. Ils travaillaient dur et mettaient leurs savoirs au service de la société. Hansi avait toujours rêvé de passer les portes de la Locomotive et de pénétrer dans le Laboratoire, mais elle avait échoué plusieurs fois au test. Elle n'avait pas les capacités requises pour entrer dans l'école scientifique. Sa soif de connaissance se faisait de plus en plus grande, tout comme la quantité de savoir qu'elle avait avalé grâce aux trouvailles de Chrom, et elle avait l'intime conviction de pouvoir apporter son aide si on lui en donnait l'occasion.

Deus ex Machina [EN PAUSE]On viuen les histories. Descobreix ara