II

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Le soleil frappait avec force les carreaux fissurés.

Allongée sur le ventre, Hansi somnolait. Elle était réveillée depuis plusieurs minutes déjà, mais elle n'avait pas le courage de se lever. Elle préférait penser que si elle restait au lit, la journée ne commencerait jamais. Le visage caressé par la lumière du jour, Hansi observait le paysage désertique qui défilait à vive allure derrière la vitre, lorsqu'un bruit la fit sursauter.

La porte d'entrée s'ouvrit et des pas résonnèrent dans la cuisine, adjacente à sa chambre. Chrom. Inspirant profondément, Hansi ferma les yeux pour tenter d'oublier, ne serait-ce qu'un instant, celui qui s'activait déjà derrière le mur. Claquant les placards, son ami semblait s'amuser à faire le plus de vacarme possible avec les casseroles et la vaisselle.

Hansi grogna. Il avait le don de la mettre de mauvaise humeur. Elle s'apprêtait à plonger son visage marqué par les plis des draps dans son oreiller, quand la plaque de métal qui séparait sa petite chambre de la cuisine coulissa furieusement. Elle fit immédiatement semblant de dormir, priant pour qu'on la laisse tranquille.

Chrom resta là, silencieux, immobile dans l'encadrement baigné de lumière. Hansi se mordit l'intérieur de la joue. Elle sentait ses yeux glisser sur ses épaules pour fixer le haut de son crâne. Il était insupportable. Fronçant les sourcils, Hansi remonta sa lourde couverture sur son visage mais, même dissimulée, elle savait qu'il continuait à la fixer. Elle serra les dents, s'efforça à rester immobile. En vain. Ne supportant plus l'écrasant reproche qu'il faisait peser sur elle, Hansi poussa un grognement irrité. D'un geste brusque, elle rejeta sa couverture et se retourna pour lui jeter un regard noir.

— C'est bon, je suis réveillée ! Pas la peine de me regarder comme ça.

Chrom esquissa une moue satisfaite, avant de retourner dans la cuisine. Hansi soupira. Elle jeta une œillade agacée au jeune homme qui saisissait boîtes de conserve et sacs de blé dans les hauts placards. Assise entre ses couvertures, le corps encore lourd de sommeil, Hansi réprima un bâillement. Elle n'était même pas surprise de le voir chez elle.

Depuis que son père était retourné au Camp et qu'elle avait reçu sa cabine personnelle, Chrom s'invitait à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, sans gêne. Et, finalement, Hansi était aussi agacée que soulagée de l'avoir constamment près d'elle. Lorsqu'il était là, son minuscule appartement restait toujours propre et bien rangé, elle se réveillait à l'heure chaque matin et les maigres rations qu'elle recevait se transformaient subitement en délicieux repas. Chrom était doué pour tout à part, peut-être, pour les grands discours. Il était organisé et étalait ses idées de perfection sur tout ce qui l'entourait.

Un sourire étira ses lèvres tandis qu'elle se penchait pour attraper ses lunettes, qu'elle posa mécaniquement sur son nez. Avec un haussement d'épaules, Hansi glissa ses jambes nues en dehors du lit. Son long tee-shirt jaune délavé tomba sur le haut de ses cuisses, alors qu'elle se dirigeait d'un pas las vers l'entrée de sa chambre. Elle traversa la petite cuisine pour aller aux toilettes puis, adoptant toujours la même démarche fatiguée, elle retourna dans sa chambre. Chrom l'observait d'un œil amusé, tandis qu'elle fouillait dans le placard à moitié vide, pour trouver une tenue encore propre pour être portée.

— Forge ou jardin ? demanda-t-elle d'une voix monocorde.

— Forge.

— Forcément...

Hansi soupira de nouveau, exaspérée. Aeternum était le dernier Foyers sur rail qui existait en ce monde. Sa population vivait en paix, laissant les lois imposées par leur gouvernement dicter leur vie si fragile.

La nourriture, cultivée sur les toits, était partagée en parts égales sous forme de rations. Il en allait de même pour l'eau et les produits d'hygiène. Quant au travail, les jeunes adultes se partageaient les tâches agricoles et la création d'outils et de meubles pour la Colonie dans les forges, alternant chaque semaine. Les mères de famille et les enfants de plus de quatorze ans étaient responsables des distributions alimentaires ainsi que des récoltes lorsque l'Agmen manquait de travailleurs. Les pères de famille et les jeunes gens de plus de vingt-deux ans étaient quant à eux mobilisés durant une période non-déterminée au Camp. En général, les hommes pouvaient passer plusieurs années à l'Extérieur, pour que les femmes capables de donner la vie soient exemptées. Si ce système permettait aux habitants d'Aeternum de survivre, ils restaient esclaves de leur condition et des Pastors qui dirigeaient Aeternum.

Deus ex Machina [EN PAUSE]Where stories live. Discover now