XXII

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Le vacarme résonnait à l'intérieur du conteneur principal.

Les soldats étaient installés autour de longues tables métallique. Ils bavardaient avec gaité de tout et de rien, comme chaque soir. L'odeur de l'habituel potage stagnait dans la pièce. La chaleur ambiante recouvrait les vitres buée, noyant les ténèbres de l'Extérieur dans le flou.

Assise au bord d'une tablée, Hansi avalait son repas en silence, ignorant ses camarades. Perdues dans ses pensées, elle s'efforçait de chasser la silhouette trouble de la Bête qui la fixait de ses prunelles rougeoyantes, deux gouffres dans lesquels elle se sentait sombrer.

Hansi fronça les sourcils. Elle s'inquiétait pour son père. Elle ne l'avait toujours pas croisé et elle commençait à redouter le pire. Était-il toujours en vie ? À cause de son travail au Camp et de ses absences prolongées, ils n'avaient jamais été proches, mais l'idée de le perdre lui était insupportable. Elle se faisait également du souci pour sa mère, seule, sans personne à qui confier ses doutes et ses peurs. Son départ l'avait dépourvu du peu de douceur qui lui restait, Hansi le savait. Elle craignait que sa mère se laisse lentement submerger par son désespoir, sans qu'elle ne puisse lui venir en aide.

Se mordant la lèvre inférieure, Hansi remuait distraitement son potage, le regard dans le vague. Elle ne cessait de penser à Chrom. Qu'est-ce qu'il faisait, là-bas, dans le ventre d'Aeternum ? Est-ce qu'il travaillait toujours à la forge ? S'était-il fait d'autres amis ? Avait-il réussi à accepter son départ ? Esquissant une moue déçue, la jeune femme se trouva idiote. Elle ne lui manquait pas. Elle ne lui manquait plus. Le temps et l'éloignement l'avait sûrement poussé vers d'autres, bien plus intéressants, bien plus agréables qu'elle. Chrom n'avait plus besoin d'elle.

Cette pensée lui noua la gorge.

Les doigts crispés sur sa cuillère, Hansi agitait de plus en plus nerveusement son potage, lorsque le bruit d'une chaise raclant le sol la fit sursauter. Elle relevant brusquement la tête, ses lunettes glissèrent sur le bout de son nez busqué. Perplexe, la jeune femme regarda le Second Major s'asseoir en face d'elle. Posant les coudes sur la table, Lev jeta un coup d'œil aux autres soldats attablés avant de reporter son attention sur elle :

— McDavaï, j'ai besoin de toi pour la prochaine mission, lança-t-il rapidement, la fixant de ses prunelles d'ébène.

— Pardon ?

Hansi resta quelques instants dubitative, avant de rajuster ses lunettes sur son nez. Lev leva les yeux au ciel, exaspéré, et reprit sans masquer son agacement :

— Demain, toutes les escouades seront en expédition sous le commandement de Messiah, du Premier Major Sylean, ainsi que de moi-même. Nous avons pour mission de capturer un Néo-animal vivant. Une tâche qui nécessite...

— De quelle espèce ? le coupa brusquement Hansi.

Le Major esquissa une grimace contrariée, haussa un sourcil, mais répondit d'une voix calme :

— Un Néo-animal de type B, mais je ne vois pas pourquoi...

— Un Mammal donc, je m'en doutais, poursuivit Hansi, ignorant sa question.

Ces quelques mots avait ravivé sa soif de découverte, balayant tout le reste. Les paupières plissées, le nez froncé, Hansi s'était replongée dans un coin de sa tête, au cœur de l'abîme de savoirs qu'elle ne cessait de combler depuis l'enfance. Elle se souvenait de livres qu'elle avait lu sur les Néo-animaux de classe B. Les mammifères se rapprochaient bien plus des anciennes espèces animales que les spécimens de type A et C. Son esprit, totalement accaparé par le flot d'informations qui refluaient en elle, Hansi se remit à parler vivement. Réfléchissant à voix haute, elle adoptait le ton didactique qu'elle utilisait lorsqu'elle expliquait quelque chose à Chrom :

Deus ex Machina [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant