Chapitre 21

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Benjamin

Je n'en reviens toujours pas.

Nous sommes sur le retour, moi conduisant la voiture de l'aéroport à l'appartement pendant qu'Irwène dort depuis le départ.

On est coincé dans les embouteillages depuis un petit moment et ça me laisse tout le temps pour réfléchir encore et encore à ce que m'a dit Charlotte une semaine plus tôt. Le père d'Irwène a un cancer et je ne dois rien lui dire, voilà le deal. Il a plus exactement un cancer des poumons qui s'étend à la gorge. Du côté des paternels chez Irwène cela fait trois générations qu'ils meurent d'un cancer de la gorge. Son grand père est mort à ses 15 ans et je sais qu'elle en a un mauvais souvenir. Ce dernier se savait condamné par ses années de beuveries et de tabac intensif et toute la famille pense qu'il aurait du mourir de sa belle mort mais il y a eu un acharnement thérapeutique des médecins avec toujours plus de chimiothérapie qui n'a servi à rien. Il était à un stade beaucoup trop avancé pour être sauvé. Les médecins lui avaient retiré tout le larynx et tout ce qui se trouvait sous le menton jusqu'au niveau des poumons. Il avait alors un trou au niveau de la gorge pour respirer et ne pouvait plus parler. Il mangeait par poches et était devenu inactif exténué par la chimiothérapie. Irwène m'avait confié qu'elle n'avait pas eu la force d'aller le voir vers la fin parce qu'il n'était pas celui qu'elle avait connu et qu'elle voulait garder une bonne image de lui, je crois qu'elle s'en veut un peu maintenant même si on n'en parle pas beaucoup.

Ça me détruit de savoir que son père est en train de vivre la même chose, elle ne mérite pas de perdre son père, personne mérite.

Je la sens bouger à côté et je lui jette un coup d'œil avant de reporter mon regard sur la route. J'espère que sa famille va lui dire le plus vite possible car je ne vais pas garder cette information seul et je ne veux pas non plus être celui qui lui dira.

Après quelques minutes la voie devant nous se dégage et j'accélère pour rejoindre l'appartement. Je me gare dans la rue hésitant entre réveiller Irwène pour qu'elle monte ou la monter. On a pris l'avion de nuit et elle n'a pas fermé un œil alors que j'ai dormi comme un bébé. Je claque la portière et décide tout de même la réveiller, on habite au quatrième étage et je n'ai pas le courage.

- Irwène ?

Je la secoue un peu et elle fronce les sourcils.

- Eh la gamine, on se réveille.

- Ta gueule, sort-elle tout à fait naturellement.

J'éclate de rire en constatant que si elle a assez de force pour m'insulter elle peut aussi se lever et essaye de la tirer hors de la voiture.

- Plus vite tu seras à l'appartement, plus vite tu pourras finir ta nuit, engel.

Elle ouvre un peu les yeux face à mon mt en allemand et semble réfléchir à ce que je viens de dire avant d'hocher la tête. D'une main je récupère la valise dans le coffre et on rentre dans l'immeuble, mon autre main prise en étau dans celle d'Irwène qui a posé sa tête sur mon épaule. Croyez-le ou non, j'adore ces moments même si ça n'a rien de romantique.

On arrive sans encombres à rentrer chez nous et Irwène s'endort directement sur le lit sans enlever ses chaussures ni se mettre à l'aise un minimum. Je m'occupe de son confort en la glissant dans les draps avant de rejoindre la cuisine.

Ça me fait bizarre d'être seul et de ne rien avoir à faire, j'ai vécu ces derniers mois très intensivement alors le silence est un peu troublant. Soudainement mon téléphone sonne ce qui me secoue un peu.

- Oui ?

- Ben c'est Lucas.

Je ris.

- J'ai vu effectivement, comment ça va ?

| toxique | b.pavardWhere stories live. Discover now