Chapitre 9-1

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Aurore tremblait. Chaque parcelle de son corps criait, submergée par le désespoir. Était-ce comme cela qu'elle avait perdu sa sœur ? Avait-elle souffert le martyr avant de voir la mort, seule et terrorisée ? Elle voulait la retrouver, où qu'elle soit, et ce avec toute la force de son cœur. Elle ne pouvait pas supporter, ni même imaginer le fait qu'on puisse faire du mal à sa belle Anna, sa douce petite sœur qui n'avait rien fait pour mériter ça.

Ses bras serraient son corps dans un geste désespéré : Anna était-elle seulement en vie ?

Les genoux repliés contre sa poitrine, Aurore observait Ashley, incapable de prononcer le moindre mot. Comment pouvait-elle ignorer la souffrance qui voilait ses yeux ? Trop bouleversée par son récit et la troublante ressemblance entre l'enfant qu'elle avait été et celle qu'elle portait elle-même dans son cœur, elle ne s'était pas rendu compte à quel point il avait dû lui être difficile de raconter cette histoire.

Cette dernière avait le regard perdu dans le vide, ses longs cils imprimant des ombres menaçantes sur ses pommettes. Sa peau, affreusement pâle, faisait ressortir des veines bleuâtres aussi fines que les fils d'une toile d'araignée. Il faisait sombre à présent. Et bien qu'à cette heure-ci on entende généralement les oiseaux chanter, comme pour célébrer le retour des ombres effrayantes du crépuscule, seul le bruissement du vent se faisait entendre.

Dans cet entre-deux où le soleil et la lune se rejoignaient presque, les quatre jeunes gens se fondaient dans l'obscurité dans des allures fantomatiques. Le temps semblait s'être arrêté, figeant à leur pied leurs ombres et faisant se mêler leur souffle dans une lente danse macabre.

Aurore contempla ses mains, bien trop consciente du silence pesant que personne ne semblait prêt à rompre. Ses ongles étaient incrustés de terre, et ses doigts, fins et rugueux, cachaient entre les plis de leur phalange du sang séché.

Du sang.

Combien de litres avaient été versés dans cet étage de la mort ? Combien de personnes avaient été torturées, ou bien laissées pour mortes dans un coin comme si elles n'étaient que de vulgaires morceaux de tissu ? Il lui était impossible de penser à sa sœur, car elle savait que si elle s'engageait sur cette pente vertigineuse elle était sûre de devenir folle et de finir par se persuader qu'Anna était morte et que jamais elle ne retrouverait son cadavre.

— Je me souviens encore de l'odeur qui y régnait ; un mélange de cuivre, de sueur, et de mort, murmura Ashley.

Aurore releva vivement la tête, surprise.

Le visage dissimulé dans la pénombre, seuls ses yeux, deux pierres précieuses d'une teinte céruléenne, perçaient l'obscurité. Frappée une nouvelle fois par la beauté de ces derniers, Aurore s'y perdit l'espace d'un instant, happée par la tristesse sans nom qui y brillait.

— Te souviens-tu du visage de ce médecin ? s'enquit d'une douceur surprenante Adriel.

— Je ne l'oublierai jamais, répondit la jeune fille, les yeux toujours plongés dans ceux d'Aurore.

— Et moi, je n'oublierai jamais ton récit. Tout comme j'ai fait la promesse à Aurore de retrouver sa sœur, je te promets ceci : nous retrouverons ce médecin et tous ceux qui ont participé à cette infamie, et nous les réduirons en poussière, déclara Adriel d'une voix dure comme la pierre.

Comme en réponse, des oiseaux s'envolèrent dans le ciel, le remplissant de leur cri d'allégresse et faisant se répandre la rumeur d'une vengeance sans pitié.


Ils avaient décidé de rester ici pour la nuit, la forêt étant trop dangereuse à cette heure-ci. Aurore, restée auprès d'Ashley, jouait avec une brindille accrochée à son lacet.

La Terre des oubliésWhere stories live. Discover now