Chapitre 6-2

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Adriel se raidit. Pour qui elle se prenait ? Tenaillé par la rage, il serra les poings. La fureur, qui ne semblait plus le quitter depuis ces derniers jours, s'enroula avec langueur autour de son cœur. Sa poitrine s'élevait à un rythme vigoureux, presque brutal. Cela faisait mal, d'autant plus qu'elle avait raison, même s'il se sentait incapable de l'admettre à haute voix. Il s'était toujours trouvé au bord de l'implosion, mais jusqu'ici était plus ou moins parvenu à se contenir. 

Tel un pantin penché au-dessus d'un précipice, il n'était plus maître de rien et attendait de voir si le destin allait choisir de le pousser dans le vide. 

Il souffla pour tenter de se calmer. S'il se laissait submerger par la colère maintenant, son corps mettrait davantage de temps pour s'en remettre. Aussi, il desserra doucement les poings, laissant le sang affluer librement. Inspirant profondément, il grimaça quand une odeur âcre, amer, lui chatouilla les narines : le sol, encore brûlant, crachait sa fureur et ne semblait pas près de se calmer de sitôt. 

Plissant les yeux, il chercha son arc du regard et l'aperçut au loin, seul rescapé d'une lutte sans merci. Il semblait presque paisible, seule touche d'innocence au milieu d'un chaos sans nom. Quelques pâles rayons de soleil l'effleuraient timidement, faisant briller la couche de vernis à sa surface. Il reposait tranquillement sur un petit cercle d'herbe que l'ardeur du brasier n'avait réussi à atteindre. S'en saisissant dans un grognement de fatigue, Adriel se sentit aussi rassuré que s'il avait étreint un ami. Aussi loin qu'il s'en souvienne, cette arme l'avait toujours suivie partout, dans la lutte comme dans l'aventure. S'en séparer aurait été comme couper une partie de son corps : douloureux, handicapant.

L'attachant dans son dos, il se mura dans la réflexion. Le camp allait sûrement s'inquiéter de ne voir rentrer aucun des combattants, combien de temps leur restait-il avant que d'autres ne partent à leur recherche ? Ils ne pouvaient pas se permettre de rester ici, de toute façon. Que comptait faire Aurore ? Après leur altercation, il n'était même pas sûr qu'elle veuille encore rester avec lui, mais il s'imaginait mal la laisser partir de son côté. Cette forêt était si dangereuse que c'était un pur miracle qu'elle ait survécu assez longtemps pour tomber sur lui. Et puis, que comptait-elle faire ? Il ne voyait pas où elle pourrait possiblement pu aller, rien d'autre que des ruines ne les attendaient en dehors de ces terres. 

Elle avait désespérément besoin de lui, il le savait, mais était-il près à la suivre ? À l'aider ? Quel était son plan, son objectif ? Et puis, il voulait comprendre ce qui se passait. Comment, après plus de cinquante ans dans cette forêt oubliée, fantôme presque, une fille comme elle pouvait avoir apparu ? Il en venait presque à se demander s'il n'avait pas perdu la boule et s'était tout imaginé.

La situation était si critique qu'il finit par arriver à une conclusion qui était loin de le ravir : il devrait s'excuser auprès d'elle, sinon les prochains jours risquaient d'être bien longs. Surtout alors qu'elle était si butée. Ce n'était pas son genre, mais il lui avait promis de l'aider et il se voyait mal la laisser en plan maintenant. Et puis, elle l'avait dit : c'était plus ou moins de sa faute s'ils s'étaient fait attaquer ainsi. Adriel lui devait au moins ça. 

S'engageant hâtivement vers leur camp de fortune, il retrouva une Aurore harassée, assise sous les branches basses d'un arbre. Sans lui laisser le temps de s'exprimer, il prit place à ses côtés et s'éclaircit la voix.

— Je ne pensais pas ce que j'ai dit, c'étaient la fatigue et la colère qui parlaient, articula-t-il difficilement.

Méfiante, bien qu'un brin surprise, elle finit par soupirer.

— Je sais. La journée a été longue. Je t'en veux encore, mais je comprends ton point de vue.

Elle s'était exprimée d'une voix éreintée. Ses mains, tâchées de sang séché, étaient croisées sur ses genoux. Observant ses yeux cernés, puis les ecchymoses qui teintaient sa tempe droite, il soupira également.

La Terre des oubliésWhere stories live. Discover now