Chapitre 4-2

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Son expression devait refléter ses pensées, car elle rigola doucement :

— Tu pensais que je ne trouverai pas cette plante, pas vrai ?

— J'avais des doutes, je ne peux pas dire le contraire, répondit-il avec franchise.

Elle étira légèrement ses lèvres, puis soupira, harassée.

— Bon, et maintenant ?

— C'est assez simple. Il faut que tu broies les feuilles de la Gakodi et que tu en récupères la mixture. C'est assez liquide, tu n'auras plus qu'à la verser dans ma plaie. Ensuite, il te suffira d'appliquer un peu de sève à l'intérieur et sur les bords de la plaie. Pour le reste, je me débrouillerai. Et n'oublie pas d'en utiliser aussi pour ta blessure, termina-t-il.

Elle opina. Après avoir broyé la plante, elle en versa méticuleusement la mixture dans sa plaie et appliqua ensuite un peu de sève. Elle termina par sa blessure, qu'elle banda avec un morceau de tissu. Une fois leurs blessures pansées et leur faim sustentée, ils s'adossèrent avec fatigue contre l'arbre. Leur journée avait été éprouvante, et ce en partie par sa faute. S'il n'avait pas attaqué Aurore en la prenant pour quelqu'un d'autre, elle n'aurait pas été blessée et il n'aurait pas dépensé autant d'énergie. Pour sa défense, jamais il n'aurait pu s'attendre à tomber sur quelqu'un d'autre qu'un membre de son camp, ici. 

C'était du jamais vu.

Ils contemplèrent pendant quelques minutes le soleil engager sa douce descente, teintant presque paresseusement la végétation de nuances ocres et cuivrées. Le bruit des oiseaux les berçait et l'obscurité croissante dessinait des ombres sur leurs visages fatigués. Il écoutait son cœur battre avec douceur et régularité, sentant la chaleur de son corps perdre en intensité : la Gakodi devait déjà faire effet. 

Il tourna la tête vers Aurore. Elle regardait le ciel, les yeux brillants, et il détourna rapidement le regard avec le sentiment d'avoir violé son intimité.

— Tu sais, commença-t-elle doucement, c'est la première fois que je vois un coucher de soleil. C'est vrai que j'ai très peu de souvenirs de ma vie d'avant, mais il me semble que c'est la toute première fois que j'ai l'opportunité d'observer un tel spectacle. C'est complètement fou, je le sais, mais je reste persuadée que jusqu'à hier, jamais ne n'avais mis un pied dehors.

Adriel tourna le regard dans sa direction, surpris, puis finit par hocher la tête avec sérieux.

— C'est loin d'être impossible. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, tu ne ressembles en rien aux gens qui vivent dehors. Ta peau est blanche comme la porcelaine, comme si elle n'avait jamais été exposée au soleil. Tes vêtements semblent synthétiques et neufs, et tu te déplaces gauchement. Chez moi, on nous apprend à nous débrouiller dans la nature. On finit par être aussi discrets qu'un animal et nos instincts sont aussi primaires que les leurs.

Elle le regardait, le regard empli de questions :

— Parle-moi de là d'où tu viens.

Il la scruta avec dureté, puis poussa un soupir et acquiesça. Fermant les yeux, comme pour mieux se replonger dans ses souvenirs, il débuta son récit :

— Le camp où j'ai grandi se fait appeler le camp des Adohis. Ce nom vient de la langue Cherokee, cela signifie forêt. C'est une appellation assez simple, mais les terres sur lesquelles s'est établi le camp faisaient partie du territoire des Cherokee ; quelques mots et coutumes nous sont donc restés. Nos terres se sont naturellement agrandies au fil du temps après la propagation du virus.

Il marqua un temps d'arrêt :

— Je sens ta question venir, j'y viens, dit-il posément. Comme tu as pu le comprendre tout à l'heure, une attaque biochimique est responsable de l'extinction de la quasi-totalité de la population mondiale. À l'heure actuelle, on ne sait toujours pas quelles sont les raisons de cette attaque. Tout ce que nous savons, c'est qu'un groupe d'une trentaine de personnes qui campait dans cette forêt lors de l'attaque à survécu. Quelques personnes sont mortes, et d'autres ont frôlé de peu la mort, mais ce qui est à retenir ici c'est qu'un groupe de survivants s'est établi en ces lieux. Ils ont réussi à survivre, et avec le temps, leur nombre s'est accru. Le camp compte désormais environ quatre cents personnes et subvient à ses propres besoins.

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