Chapitre 20-1

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Adriel avait dormi quasiment toute la journée. Samuel était resté auprès de lui, s'occupant de ses blessures et lui contant sa vie, ici.

Il était arrivé à vingt-deux-ans dans un piteux état. Il lui expliqua qu'il avait échappé à la mort à de nombreuses reprises après avoir, notamment, mangé un fruit au parfum sucré. Les jours d'après, il avait erré, fiévreux, à la recherche d'un point d'eau. C'est seulement deux jours après qu'un groupe d'expédition le retrouva presque mort, étendu dans la boue. Adriel avait grimacé quand il lui avait expliqué que des boutons lui avaient poussé sur le corps, le grattant terriblement. Il avait mis des semaines à s'en débarrasser, et aucune partie de son corps n'avait été épargnée, avait-il précisé en rigolant. Adriel était bien content de n'avoir jamais eu affaire à ça. Dès tout petit, on lui avait appris à se repérer dans la forêt et à faire la différence entre les aliments comestibles et mauvais pour eux.

— Tu as toujours vécu dans cette maison ? demanda-t-il tandis que Samuel lui tendait une tasse de thé fumante.

Il tira une chaise, puis s'assit en face de lui.

— À peu de choses près, oui. J'ai d'abord été installé dans un de ces grands bâtiment, près de la tour du conseil. Mais je ne m'y sentais pas à mon aise, j'avais l'impression de ne pas réussir à respirer. Je suppose que ça me rappelait trop la vie sous terre. Ils m'ont donc proposé le poste, et la maison qui va avec. Beaucoup de personnes s'y sont opposé, avançant que c'était trop tôt et que je ne devais pas m'isoler comme ça, mais les membres ont insisté en disant que ça me ferait du bien d'être proche de la nature. Ils ont eu raison, bien évidemment, mais une part en moi regrette d'avoir accepté. Parce que maintenant je suis là, comme un idiot, à attendre qu'on vienne m'arrêter.

Adriel soupira, il commençait à en avoir marre de devoir lui répéter que ça n'allait pas arriver. Ils trouveraient un moyen de partir avant, il le savait.

— Je sais ce que tu vas dire, Adriel, mais tu ne connais pas les gens d'ici. Tout fonctionne toujours comme ils le veulent. Je ne sais pas si ça a un lien avec le fait qu'ils aient été bannis et qu'ils se soient retrouvés à la merci de ce monde, mais ils conservent une très grande rancune et partent du principe que personne ne peut, et ne doit, les commander. Regarde les membres, ils sont comparables à des dieux, ici. Tout ce qu'ils exigent, le peuple le fait. Et le peuple, qui a lui aussi beaucoup souffert, s'exécute dans l'espoir qu'un jour les membres le fasse rentrer dans son cercle proche. C'est encore et toujours une histoire de hiérarchie, tu vois.

Samuel semblait conserver beaucoup de rancoeur, et Adriel ne pouvait que le comprendre. Il ne put s'empêcher d'établir un lien avec lui-même, haï de tous et incompris. Ses pairs, qui l'avaient vu grandir et s'épanouir, auraient tout donner pour le voir partir. Tout comme le contrôle faisait peur, le pouvoir le faisait encore plus. S'il l'avait voulu, il aurait pu tuer tous les Anciens et prendre le contrôle du clan, et ça ils le savaient. Et pourtant il ne l'aurait jamais fait, tout bonnement parce qu'il aimait profondément son clan et ses habitants. Ils avaient survécu et prospéré ensemble, les maisons avaient été bâties à la force de leur bras. Les enfants avaient vu le jour, fruit de l'amour de son peuple, et avaient grandi dans la joie et la paix. Certes, les Anciens avaient peu à peu régi les règles du camp, mais les bases, ce qui faisait d'eux des Adohis, restaient les mêmes. Jamais il n'aurait pu briser cela, et il aurait aimé que les anciens et les habitants le comprennent.

— C'est bien ce que j'ai cru comprendre, observa-t-il en portant la tasse à ses lèvres sèches.

— Je ne pourrais jamais cracher sur ce camp, parce qu'ils m'ont recueilli, nourri et logé et parce que j'ai appris à aimer certains de ses habitants. Mais son système est mauvais et un jour, quelqu'un se rebellera, comme ça a pu être le cas chez les Omégas.

La Terre des oubliésWhere stories live. Discover now