08 | un départ et un vide

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INA FINIT son deuxième trimestre avec mention félicitations. Elle est contente, presque fière d'elle. Prouver qu'elle peut le faire lui donne du baume au cœur. La vie peut être instable mais Ina peut la stabiliser sur d'autres plans.

La veille, elle a refilé toutes ses dernières clopes à Mélissa. Elle ne veut plus fumer et son amie l'a suppliée pour les récupérer.

Il ne reste plus qu'un dernier trimestre dans lequel Ina est déjà lancé. Dans la chambre d'à côté, sa grande sœur stresse pour le BAC après ses résultats au BAC blanc.

Mais la famille rencontre d'autres problèmes encore plus importants.

Ce matin, la mère des deux jeunes filles quitte la maison pour de bon.

Sur le pas de la porte, Ina voit sa maman emballer ses dernières affaires. La brune s'assoit au sol, regarde sa mère un instant, et sent son cœur se comprimer douloureusement.

Très peu d'enfants ont une relation parfaite avec leurs parents. Pour qu'il y ait une bonne cohésion, les deux côtés se doivent de fournir des efforts conséquents. Ina adore sa maman mais n'a jamais réussi à cerner qui elle était entièrement. Sa mère est comme un trésor inaccessible, aux expressions cachées, économe en paroles, en sourires ou en pensées exprimées. Quand Ina était petite, c'était son père qui l'emmenait au parc. Toutefois, Ina voyait toujours l'amour briller dans les yeux de cette femme qui l'a faite grandir. Elle ne s'est jamais ouverte à sa fille et sa fille ne s'est jamais ouverte à elle. Il n'y a pas eu de conversations sur les garçons ou de « je t'aime » touchants. Peu de choses rapprochent les deux êtres. Mais Ina a toujours ressenti cette affection dans chacun de ses gestes et lui voue un amour respectueux et éternel.

Elle aime sa maman.

Alors quand celle-ci s'apprête à partir après les au revoirs avec Ingrid, Ina prend peur. Elle souffre en silence.

La pudeur l'enferme. Elle n'ose sauter dans ses bras, l'étreindre comme si c'était la dernière fois. Elle va la revoir, peut-être dans des mois. Mais c'est elle qui a marqué ce foyer, cette famille brisée. Et Ina ne veut tellement pas voir cette femme partir de ce cocon qu'elle a aimé.

— On se voit bientôt les filles, souffle sa mère avec un dernier sourire.

Elle appuie sur le bouton de l'ascenseur et Ingrid rentre dans la maison. Ina, immobile, fixe la lumière dans le hall. La brune est vidée de bonnes émotions. Elle n'ose à peine imaginer la rancœur qu'elle aura en recroisant son père de nouveau à l'intérieur. Il l'a trompée. Il l'a faite partir de sa vie. Et elle en a marre de ne plus connaître l'homme qui l'a toujours guidée dans la vie.

— Maman!

Ina ravale sa pudeur, sa gêne, son mal-être. Elle pense à elle et pose un pied dans le hall, ferme ses yeux pour garder ses larmes et fond dans ses bras.

— Ina...

— Fais attention à toi, murmure-t-elle tristement.

Dans un ultime geste d'affection, sa mère lui embrasse le front. C'est doux comme une brise. Éphémère comme l'enfance. Elle voit quelques images défiler. Ce ne sont pas des adieux mais cet instant marque la fin d'une ère importante dans la vie d'Ina. C'est fini. Plus de maman et papa heureux pour toujours. Plus de sorties à quatre qu'Ina détestait, plus de moments en famille insupportables. C'est fini. Balayé. Sans lendemain.


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INA S'EST PROMIS de pleurer seulement après le départ de sa maman. Mais lorsque la voiture part, il n'y a plus de larmes. Elle est dans un déni profond et remonte jusqu'à sa chambre.

22:22Où les histoires vivent. Découvrez maintenant