ᴇ́ᴄʟᴀᴛs sᴏᴍʙʀᴇs | ʲᵏ ˣ ᵗʰ

58

Ils étaient tous retournés en cours le lendemain. Taehyung avait passé la journée à mouliner sur les préparatifs à venir pour pouvoir accueillir Jaehee. Jungkook et Jimin n'avaient parlé que de choses banales, évitant soigneusement leur vie personnelle, malgré le fait que chacun avait une idée floue de ce que l'autre ait bien pu faire.

Yoongi avait retrouvé Heosok et Jisoo qui lui avaient posé un tas de questions auxquelles il n'avait, bien évidement, pas répondu toujours très aimablement. Jungkook s'était fait réprimander par son professeur principal, qui lui avait juré un petit mercredi après-midi en colle la prochaine fois qu'il loupait une journée complète de cours.

Jungkook et Jimin étaient en cours d'histoire de l'art. Jungkook adorait ce prof. C'était un puits de connaissances et à quasiment tous les cours il apprenait quelque chose qu'il qualifierait d'enrichissant. Mais cette après midi, rien à faire. Il n'arrivait pas à se concentrer. Son esprit vagabondait dans des ruelles malfamées. Il faisait sombre mais il ne faisait pas froid. Il faisait extrêmement chaud.

Il déboutonna le col de sa chemise, desserrant sa cravate qui l'étouffait. Il pensait à sa vie à la fin de l'année. Lorsqu'il aura son diplôme avec Jimin et Taehyung. Qu'allait-il faire ? Allait-il pouvoir gagner sa vie en écrivant ? Une chose était sûre, tel l'enfant qui était resté au fond de lui, jamais il ne vivrait sa vie sans sa passion. Il préférerait mourir qu'aller travailler dans un café. Raisonnement extrême certes, mais ce n'étaient cependant pas des pensées en l'air.

Jaehee, elle était adorable. Elle lui rappellait sa petite sœur Yoonji. Taehyung avait-il raison ? Se pouvait-il qu'il lui fasse du mal ? Il avait juste dit qu'il n'était pas capable de s'en occuper, mais Jungkook avait compris ça comme ; un jour, tu la tueras. Regarde ce que tu m'as fait hier soir... Regarde ce que tu as fait, Jungkook. Il secoua violemment la tête, faisant sursauter plusieurs personnes autour de lui dont Jimin.

- ça va ? S'exclama-t-il, inquiet. Jungkook, tu trembles.

Jimin leva la main, criant à travers la salle.

- Professeur, il faut que j'emmène Jungkook à l'infirmerie.

- quittez discrètement. Lui reprocha l'homme.

Jimin attrapa Jungkook par les épaules et ils quittèrent rapidement la salle. Le brun avait le regard dans le vide, des gouttes de sueur sur son front et son cou.

- Jungkook, qu'est-ce qu'il se passe ? Murmura Jimin tout en le traînant le plus rapidement possible dans les couloirs.

Le dénommé secoua la tête. Lorsqu'ils arrivèrent à l'infirmerie, Jimin coucha son corps tremblant sur un des lits blancs.

- bouges pas, je reviens.

Il ferma les yeux, se crispant sur le matelas. Il avait peur. Une angoisse plus grande que lui remplissait son corps brûlant. Les voix dans sa tête revenaient. Un vertige le prit, faisant chavirer ses repères spatiaux. Il serrait les draps comme s'il s'accrochait au bord d'une falaise. Il était assis au bord de lui-même, et il avait peur du vide. Elles ricochaient contre son crâne. Sa respiration était chaotique, il avait extrêmement chaud.

- taisez-vous... Gémit-il avec désespoir.

Elles sifflaient... Rongeaient son cerveau... Fais le... Non... Non... Laisse-toi faire... Fais le... Cette voix grave et gutturale... Déformée par le son de son pouls qui résonnait dans son crâne compressé. Jungkook chouina, balançant sa tête en arrière. Il la tapa plusieurs fois contre le matelas avant qu'une main sur son front l'immobilise.

- l-laissez moi ! Cria-t-il par dessus le vacarme de son esprit.

Il ne savait même pas si cette prise sur lui était réelle ou non. Il ouvrit les yeux, et les referma rapidement, attaqué par des volutes de fumée noire.

- Taehyung... Gémit-il avec douleur.

Il était terrorisé par ces voix... Ces rires et ces cris. Elles vivaient en lui puisant leur existence dans son esprit embué, profitant de sa faiblesse. Le noir s'immisçait dans ses veines, les faisant pulser, augmentant sa fièvre. Il se sentit écrasé par une masse brûlante contre laquelle il se débattait en vain. Il étouffait. Laisse-toi faire gamin...

- NON !!! Hurla-t-il avant d'éclater en sanglots. Fais pas ça... fais pas ça... par pitié... Non ! NON ! ARRÊTE ! laisse-moi partir... Laisse-moi PARTIR ! fais pas ÇA ! Je veux pas... Ah-ahh...

Il se débattait frénétiquement dans l'air, Jimin et l'infirmière tentant de le calmer mais il semblait être sourd à leurs appels. Son corps tremblait et il faisait des gestes brusques mais sans force, Jimin arrivant petit à petit à garder son dos contre le matelas. Cependant, il n'arrêta pas de gémir pour autant.

Ses appels à l'aide étaient complétés de gouttes de sueur abondantes sur sa peau pale, les traits de son visage se contractant puis lâchant-prise sous l'espèce de transe qui le secouait. Il le voyait, il le sentait. C'était bien réel. Il était dans sa chambre d'enfance, à même le sol, coincé contre le mur près de son lit, le parquet grinçant sous la violence des mouvements.

Son t-shirt collait à son torse dans lequel son cœur battait si fort, qu'il cassait tout à l'intérieur de sa poitrine, remontant dans sa gorge avec une nausée horriblement persistante. Ses ongles s'enfoncèrent dans la peau de son boureau et dans le bois tendre du cadre du lit, les larmes se mélangeant à toute sorte de flux sur son visage. Du sang, de la sueur, de l'eau, du sperme.

Son visage était déformé par la peur, la douleur, la honte, le désespoir, l'incompréhension, l'humiliation, la terreur pure et la souffrance même laissant ses yeux qui s'ouvraient parfois lancer des regards vides, des regards morts. Le petit garçon brun qu'il était laissa tout son corps se tendre et se crisper encore lorsque des mains râpeuses vinrent tordre ses cuisses, la douleur aiguë affluant jusqu'au bout de ses doigts tremblants.

Il hurlait si fort, qu'il n'était même plus capable de disserner la personne entre ses jambes nues, son odeur nauséabonde remplissant ses narines et le faisant se convulser violemment sous sa poigne. Il priait pour que son corps lâche, il ne voulait pas que son père fasse ce qu'il voulait de son corps, mais il préférait encore tomber dans les pommes que continuer à se débattre.

- NOON ! Hurla-t-il encore.

Sa voix n'était plus, elle se déchira. Toute sa gorge se fendit sous ses cris que les coups vinrent réduire au silence, parsemant son épiderme de tâches brunes. Son dos se fit plier par l'angle du mur et du sol, sa tête frappa violemment le papier peint déchiré par ses propres ongles, son propre désespoir alors que c'était son âme qui partait en lambeaux.

Le diable lui-même, voilà ce qui força d'une violence inouïe la barrière de ses fesses à cet instant précis, toute sa colonne vertébrale se disloquant en soubresauts cuisants. Sa voix n'existait plus, soudainement. Soudainement, il n'existait plus. Ses muscles, il ne les commandait plus, sa respiration, il ne la maîtrisait plus, et c'est les cuisses écartées par un corps pourtant humain que son ventre se fit détruire.

Un être détruit, voilà ce qu'il était. Et après de longues minutes d'enfer, suffoquant, épuisé, son corps lâcha sur ce petit lit blanc, Jimin poussant un fort soupir de soulagement face au visage soudain paisible de son dongsaeng.

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