XXXVIII.

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Antonio naquit un jour d'orage, pendant que sa mère sanglotait sous les éclairs. Son père se tenait près d'elle, serrait sa main, essuyait ses joues humides, la regardait, la voyait, la sentait, et l'aimait dans ce chaos, dans le fracas de la pluie qui s'écrasait contre la fenêtre, dans cette joie, dans cette peur, dans ce tumulte qu'il ressentait pour elle et pour celui qui gémissait dans les langes.

Le nouveau-né grondait dans son berceau, rouge, sanglant, flétri encore, son corps minuscule agité d'infimes tremblements, et l'homme posa sa main lavée contre la tête humide, il la caressa doucement, soucieux de préserver la fragilité de cet être qui venait de lui, de son sang, de sa chair, de la conscience intime de son corps, et il sourit tendrement, avec la joie d'un père qui oublie la tristesse et qui repousse, en cet instant, dans l'intensité du bourdonnement des femmes qui courent près de la mère, la lueur dans ses yeux.

Le ciel, dehors, noircissait et tonnait. Le roulement des nuages et le grondement du vent faisaient trembler la terre, agitaient les murs, faisaient frémir les vitres, retournaient les maisons, effrayaient les enfants, les maintenaient cachés, à l'abri, les yeux posés sur cette immensité en colère, toute-puissante, qui exultait dehors, dans le bruit et dans la rage.

Un éclair traversa les nuages, et soudain le tonnerre éclata, plus fort, plus lourd, plus massif encore. Le père sursauta, sa main chancela sur le crâne de son fils, appuya d'un coup sur le front, entre les sourcils, et Antonio hurla. Dès lors, il vécut. Il lui suffit de cet instant de reconnaissance, de ces courtes secondes volées à l'emprise du présent, du contact léger et hésitant de la paume de son père sur son crâne nu pour qu'il devienne humain, vivant à part entière, accepté, aimé, chéri.

Sa mère, extenuée, vidée de sa substance, pâle et tremblante, les yeux vides mais le cœur apaisé, s'endormit. L'homme s'allongea près d'elle, la regarda encore mais elle dormait déjà, il se rapprocha, s'enroula contre son corps, posa sa tête au creux de ses bras, inspira son odeur de mère, de créatrice, de divinité, et sombra lui aussi, le visage enfoui dans sa peau.

La terre implosa, et au creux du berceau, l'enfant ferma les yeux.

Apaisé.

Les Héros InconnusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant