— Autre question ? demandé-je en ne tenant pas à m'éterniser sur le sujet.

— Laisse-moi réfléchir deux secondes, je commence à ne plus trop en avoir d'essentiel... Est-ce que tu peux rentrer dans tous les systèmes informatiques ?

— Absolument tous sans exception, même ceux gouvernementaux. Je dois avouer par contre que c'est d'autant plus simple sur les systèmes Microsoft, après les autres, c'est un peu plus long, enfin quand je dis un peu plus long, c'est quelques millièmes de seconde, rien de plus.

— Comment c'est possible que tu n'aies besoin que de quelques millièmes de seconde ? Même les pirates ultra-expérimentés ont besoin de quelques minutes !

— Tu vas encore crier au complot international, mais avec les centaines de chercheurs qui ont travaillé sur moi, dès que l'informatique à commencer à se développer, ils ont créé un code dans tous les ordinateurs, cacher dans tous les programmes, pour que je puisse accéder à l'intégralité des systèmes informatiques du monde sans avoir la moindre barrière. Évidemment, je suis la seule à pouvoir accéder à ce paramètre, il faut avoir mon empreinte pour ça. La seule chose qui peut me retenir quelques secondes, c'est un programme fait main en supplément, mais même ça, je peux le craquer assez facilement. D'ailleurs, ton ordinateur, il a zéro sécurité et ta clef USB non plus d'ailleurs, tu pourrais au moins faire l'effort de la crypter, après tout, tu as des bases en informatique.

J'ai conscience que non seulement je l'insulte en parlant de « bases en informatique », mais en plus je le provoque et je suis à deux doigts de lui donner des conseils supplémentaires en termes de sécurité informatique. Je suis arrivée à un stade de débilité assez effrayant, c'est incroyable. Je veux bien commencer à lui faire confiance, mais il y a des limites quand même.

— Ce n'est pas logique, remarque-t-il soudain après quelques secondes d'hésitation.

Toi non plus, tu n'es pas logique. J'ai le droit de ne pas y être aussi à des moments. Mais il ne parle sans doute pas du fait que je l'aide à protéger sa vie privée. En toute logique, il doit avoir autre chose dans la tête, mais pour le coup, je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est.

— De quoi ?

Je crois que c'est la première fois que je lui pose une question d'incompréhension complète, à chaque fois que je l'ai fait jusque-là, c'était pour de faux. Une grande première, ça se fête ce genre de chose ! Il a enfin réussi à m'embrouiller complètement. Je rigole bien sûr. Je ne fêterai jamais ça et en plus, il ne m'a pas vraiment embrouillée, il m'a tout au plus plongée dans l'incompréhension.

— Tu as été faite au seizième siècle et tu peux pirater les ordinateurs, c'est vraiment deux informations qui ne vont absolument pas ensemble.

— Qu'est-ce qui n'ait pas logique là-dedans, je suis seulement le meilleur robot qui n'ai jamais existé et j'évolue au fil du temps, sinon je ne serai pas aussi humaine.

— Ça ne reste pas logique, tes parents ne pouvaient pas prévoir de telles évolutions, si tu as changé sans respecter leur instruction, tu ne peux plus vraiment être leur fille.

— C'est juste de l'adaptation, mais le principe de base et les instructions de mes parents n'en sont pas moins respectées, je ne vois pas en quoi ça m'enlèverait ma légitimité à être leur fille. Je ne veux pas dire, mais tout le monde change forcément à un moment ou un autre, il n'y a pas le choix. Même toi tu changes forcément, tu penses vraiment que dans trente ans, tu seras exactement comme celui que tes parents ont connu ? Absolument pas et ce n'est pas pour autant que tu ne seras plus leur fils. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas exactement pareil pour moi, c'est seulement des connaissances supplémentaires.

— Mais moi si j'évolue, ce sera par moi-même, ce sera mon choix, personne d'autre ne m'aura fait évoluer à ma place. Mais toi, tu n'existes que depuis dix-neuf ans, tu n'as jamais eu ta parole avant, alors que c'était pendant cinq cents ans.

— Mais la ferme, tu ne comprends vraiment rien.

— J'ai touché un point sensible ? se réjouit-il fier comme un coq.

— Remettons les choses au clair, je n'ai peut-être pas choisi de changer, mais toi aussi tu es incapable de choisir si oui ou non tu vas changer, tu as conscience de ça ? Tu penses que tu as choisi de possiblement changer après la mort de tes parents, tu penses que tu ne vas pas changer en rencontrant des personnes, des points de vue ? Je suis désolée de te l'annoncer, mais tu ne contrôles pas plus que moi la manière dont tu vas évoluer.

Il me regarde à moitié buter, à moitié d'accord avec moi, je sens à ses yeux qu'il n'arrive pas à choisir et qu'il est à la limite d'être face à un dilemme intérieur. Tant mieux, il va peut-être consentir à me donner raison.

— Soit, accorde-t-il enfin. Mais reconnais quand même que j'ai un peu raison.

— Dans tes rêves. Est-ce qu'au moins, tu as d'autres questions.

— Non, ça va être bon... Est-ce qu'on pourrait se revoir, un autre jour ? demande-t-il hésitant, comme s'il n'était pas tout à fait sûr que j'accepte.

— J'allais te le proposer, j'ai moi-même quelques questions à te poser. Que penses-tu de lundi prochain ?

— Je serai là, promit-il convaincu comme si je venais d'illuminer sa fin de journée.

— À plus alors, déclaré-je en lui faisant un petit signe d'adieu en partant.

— À plus, répète-t-il d'un ton tellement jovial que je n'ai même pas besoin de me retourner pour savoir qu'il sourit.

Sa bonne humeur à l'idée de me reparler m'énerve presque, je n'arrive pas tout à fait à le comprendre sur ce point. Mais bon, après tout, il ne faut pas oublier qu'il n'a absolument aucun ami en Californie et que ça lui fait peut-être extrêmement plaisir de parler à quelqu'un en face et que ce ne soit pas un membre de sa famille.

En tout cas, je suis quand même assez contente de savoir qu'il est normal ou presque. Et je suis à peu près certaine que je peux lui faire confiance, il ne m'a peut-être pas promis de nouveau de n'en parler à personne, mais je ne lui ai pas non plus répété quelque chose d'exceptionnel. Et je sens au plus profond de moi que ce ne sera jamais le genre de personne à propager la rumeur de mon existence, surtout maintenant qu'il connaît la situation dans son intégralité. J'en viens même à être impatiente d'avoir de nouveau l'occasion de discuter vraiment avec lui, ce qui m'épate moi-même, mais par certain côté, c'est normal, après tout, j'ai prévu de lui poser quelques petites questions la semaine prochaine et je suis impatiente d'en connaître les réponses.

RONII (Terminé)Where stories live. Discover now