- Qu'est-ce qui te fais peur, puce ?" murmura-t-il en lui caressant les cheveux, jouant avec avec ses doigts.

Depuis quelques semaines, Tom s'autorisait ce petit surnom affectif pour sa petite peste. Il avait longtemps eut du mal à la considérer comme une personne à part entière. Pour lui, elle n'était qu'une gamine qu'il avait trouvé dans la rue, une pauvre petite garce pourrie-gâtée par le passé, qui maintenant lui faisait payer les conséquences alors qu'il n'en n'était même pas la cause. Mais au fond, il l'aimait vraiment bien, cette petite. Avec son caractère bien trempé, ses petites boucles rousses et ses tâches de rousseur, son petit sourire espiègle et ses minuscules dents. Il avait appris à vivre avec elle et leur relation n'en n'est maintenant que meilleure. Cela faisait quatre mois qu'elle était là, maintenant. Cette gamine était la roue de secours de son carosse, carosse sur lequel la roue de Bill manquait pour le faire avancer, c'était indéniable. Solange faisait avancer le carosse, elle faisait tourner son monde et sa vie.

- J'ai fait un cauchemar. J'ai rêvé que Papa et Maman ils mourraient de danse. Je veux pas qu'y meurent moi...

Et la petite recommençait à sangloter. Tom lui intimait doucement de se calmer, lui murmurant de petits mots tendres à l'oreille et lui caressant le front, d'une main presque redevenue douce depuis le temps. La pauvre petite, pensa-t-il. Elle avait l'air si tourmentée par l'absence de ses parents. Pourtant Tom seul savait qu'ils ne reviendraient pas. Il savait qu'il faudrait un jour qu'elle sache. C'était encore trop tôt. Un jour on lui avait appris qu'un enfant est capable d'entendre et de comprendre les choses telles qu'elles sont à partir du moment où il pose la question. Le moment n'était pas encore arrivé, et le brun préservait la roussette dans son innocence le plus possible. Cette innocence était si sacrée, dans ce monde tueur, qui croulait sous les obus, les génocides, les morts jetés du ciel.

- Ils ne mourront pas. Je te le promets.

Tom aurait aimé ne pas s'avancer sur des choses si incertaines, mais après tout, c'était pour son bonheur. Elle lui en voudra peut-être, quand elle saura. Ils n'en n'étaient pas encore là.

- Toi aussi tu as cauchemar ?" bredouilla-t-elle en fixant de ses petits yeux endormis le mur devant elle.

- J'ai rêvé que j'étais tout seul, que tu n'étais plus là." fit-il doucement, pour simplifier les choses et ne pas confronter la fillette à la réalité et au véritable cauchemar dont il avait lui aussi été victime.

La petite se retourna vers lui, et se redressa de façon à positionner sa tête en face de celle du plus vieux. Elle posa son minuscule index sur le bout du nez de Tom, et lui colla un petit bisou comme elle savait bien les faire sur sa joue.

- T'es tout bête Tom. Je vais pas partir moi. Je vais rester avec toi toujours.

Le brun sourit à l'attention et à la naïveté de la petite. Il la serra un peu plus contre son coeur, et lui caressa affectueusement le dos jusqu'à ce qu'elle lâche prise, et sombre dans un sommeil bercé par les souvenirs de la journée, et le bonheur d'avoir Tom à ses côtés. Lui n'osait plus se rendormir, de peur d'être à nouveau assailli par les horreurs qu'il avait vécues. Il attendit que Solange soit profondément endormie dans ses propres draps, et l'enjamba tant bien que mal avec sa jambe en miettes, miettes aussi nombreuses que celles de son coeur. Il se posta à la fenêtre, après avoir cherché un petit tas de papiers qui logeaient dans son uniforme de soldat, qui n'avaient pas bougé depuis qu'il était rentré. Il les déplia les mains tremblantes à la lumière de la Lune, et vérifia qu'elles étaient en bon état, lisibles. Certaines parties ne l'étaient plus, le crayon gras s'estompant tout de même au fil du temps. Le temps, cet ennemi si puissant. Celui qui passe toujours trop vite, qui vous rattrape toujours trop tôt. Qui finit par vous tuer, sur le long terme. Parfois même sur du court terme.

Je t'attendrai.Where stories live. Discover now