Là encore, un soldat français, qui devait être à peine plus vieux que Bill, deux ou trois ans maximum, était venu leur jeter sans aucune compassion une demi-louche de soupe dans leurs écuelles rouillées. Rachel versa automatiquement le trois-quarts de son écuelle dans celle de sa petite soeur, et, alors que Bill allait faire de même, il se ravisa, et tendit tout son bol à la jeune femme. Cette dernière le regarda avec des yeux ronds, ne pouvant accepter, tant elle connaissait le prix de la nourriture ici. La nourriture devenait si précieuse.

- Mange. , assura-t-il en souriant, lui tendant l'assiette un peu plus près.

- Bill...Je ne peux pas...C'est ta soupe, tu vas avoir faim...

- J'ai déjà faim. Mais je préfère que ce soit moi plutôt que toi. Alors mange, puisque je te la donne., déclara le brun, en prenant Jeanne et la posant sur ses genoux pour lui donner à manger.

Rachel avait accepté à contrecœur, mais portait à présent l'écuelle à ses lèvres, le liquide tiède lui brûlant la gorge de satisfaction. Bill sourit en la voyant boire, pensant alors qu'il avait bien fait. Il tentait tant bien que mal de faire boire la petite directement au bol, mais c'était très compliqué. Elle était jeune, et habituée à un certain confort que plus personne n'était capable de lui donner. De plus, Rachel n'avait plus de couches pour en changer, et la sensation était aussi désagréable pour elle que pour les autres. La famille à côté d'eux, la même que celle qui s'était installée ici trois jours plus tôt, et qui n'avait pas quitté sa place, les observait de temps à autres, et la mère de famille souriait, se disant que ce couple avait dû avoir cette enfant terriblement jeune, et qu'ils étaient encore bien naïfs par rapport à tout ça. Si seulement elle savait. À un moment donné, elle s'était levée, et approchée de Bill, qui se démenait toujours avec l'assiette de soupe que devait boire Jeanne. Elle s'arrêta devant le jeune homme et lui tendit une petite cuillère, et un linge blanc et encore propre.

Bill et Rachel se regardèrent un instant, avant de gentiment refuser, argumentant qu'elle devait sûrement en avoir plus besoin qu'eux. La femme les regarda en souriant tristement, et leur tendit à nouveau les deux objets précieux dont elle voulait leur faire cadeau.

- Vous savez, ma petite dernière vient de mourir de faim. Je pense que vous en ferez certainement bien mieux usage que moi à présent. Maintenez cette petite en vie, elle est vraiment très mignonne., insista-t-elle doucement, fourrant la cuillère dans la main de Jeanne qui l'attrapa en riant.

Son rire résonna dans tout le vélodrome, parmi les cris des uns et les hurlements des autres. La femme lui fit quelques caresses, avant de retourner chez son mari, n'oubliant pas de déposer le linge à côté d'eux, signifiant qu'ils pourraient l'utiliser comme une couche. Bill parut extrêmement reconnaissant, et s'il avait pu donner quelque chose en échange, il l'aurait certainement fait. Mais ils n'avaient plus rien. Rien du tout. Rachel avait perdu sa tante dans la cohue, et ne savait pas où était sa mère et ses frères. Bill n'avait de toute façon plus personne hormis Tom, Rachel, et lui-même. Son amie reprit Jeanne dans ses bras afin de lui changer sa couche. Pendant qu'elle effectuait cette tâche peu râgoutante, Bill l'observa.

Ses traits étaient tirés par la fatigue et par la faim. Les bleus sur son visage ressortaient encore plus, maintenant qu'elle était aussi pâle qu'un mort. La jeune femme n'avait jamais été très épaisse, mais à présent, c'était comme si le fait de se retrouver enfermé là amenait quelque chose de pire encore à la situation, et Bill la voyait à présent comme bien plus maigre que maigre.

- Bill ? , appela-t-elle soudainement, le cherchant d'un regard étrangement voilé.

- Oui ?

- Prends Jeanne s'il-te-plaît...

Je t'attendrai.Место, где живут истории. Откройте их для себя