Le discours du jeune homme s'était transformé en une immense crise de larmes, alors qu'il s'était naturellement réfugié dans les bras de son amie, qui lui avait ouvert ses bras, remettant mentalement la discussion à plus tard. Elle qui ne connaissait pas le manque d'amour, avait bien du mal à comprendre, effectivement. Mais elle voyait le brun écorché, profondément entaillé par cet amour qui le rendais si vivant, et si mort en même temps.

- Sans lui je ne tiendrai pas...Rachel, tu es tout ce qu'il me reste, je t'en supplie ne me laisse pas...Je...Je suis entrain de l'oublier, je...Je ne veux pas...Il...m'échappe...

- Oh Bill...

La peur de la jeune juive paraissait s'être envolée, alors qu'elle passait amicalement une main dans le dos du brun meurtri, pour le rassurer, quelque part. Elle éprouvait à cet instant une réelle compassion pour son ami, qui paraissait abattu par cet immense obus qu'est l'amour. Le pire restait sûrement la distance, ainsi que les doutes qui l'accompagnaient. Après tout, Bill se posait les bonnes questions. Tom était-il seulement vivant ? Nul ne le savait, ici.

- Tu sais, nous sommes en danger maintenant. Je suis juive, et tu aimes les hommes.

- Tout ça fait de nous de bons petits prisonniers., déclara Bill, presque sur le ton de la rigolade.

- Je ne ris qu'à moitié Bill. C'est dangereux, ce que vous faites. Ce sont vos gestes, vos actions qui sont dangereuses. Moi, c'est ce que je suis qui est dangereux. Mais tu sais, au final, je pense qu'on n'a plus grand-chose à perdre, tous les deux. De toute manière, on finira dans la tombe, comme les autres. Alors pourquoi se cantonner à la petite vie simple et tranquille que nous n'avons pas ?

-...Tu...Alors nous restons amis ?, demanda le jeune fleuriste, soudain plein d'espoir.

- Oui. Mais je veux que tu me promettes quelque chose, promesse que tu devras tenir.

- Je t'écoute.

- En aucun cas tu ne dois révéler ma religion aux allemands et à ceux qui te demandent où je vis. Maintenant qu'ils sont en France, ils vont continuer le massacre qu'ils ont commencé chez eux. Là-bas, ils enferment, et je suis sûre qu'ils finiront par tuer les juifs par centaines de milliers, et à cela s'ajoutent les handicapés, les vieillards, et les homosexuels. Il faut que tu comprennes que nous sommes vraiment en danger de mort, dès que l'on passe près d'un uniforme nazi. Alors tu ne dis rien. Jamais. Je te promets de ne jamais rien dire non plus pour votre liaison, à toi et Tom.

Rachel chuchotait, de peur de se faire entendre par l'allemand caché à chaque coin de rue de Paris, des plus nobles aux plus délabrés. La peur était partout, et chacun faisait les choses en conséquence, et en connaissance de cause.

- C'est promis.

Le brun répondit à la jeune femme d'un ton très sincère, qui se voulait vrai. Les deux amis savaient parfaitement qu'ils s'embarquaient dans une lutte où la vie serait un couteau à double tranchants. Brûle et ouvre, trace et tue.

[...]

Juillet 1941.

Le coeur de Tom battait vite et fort, alors qu'il était allongé à même le sol dans la boue, formée par la pluie qui n'avait de cesse de tomber depuis quelques jours et quelques nuits. Le fusil pointé vers l'avant, le doigt du blond tremblait sur la gâchette, son nerf hésitant à déclencher son geste alors que son cerveau avait déjà ordonné de tirer. Là, juste en face de lui, un soldat d'une nationalité inconnue. Il était peut-être là comme Tom, forcé de se battre pour une nation qui n'était plus la sienne. Le soleil brûlait au dessus de la tête des soldats immobiles, tous en ligne dans la même position que le jeune homme. Bientôt il fêterait ses 22 ans. Il priait de tout son coeur pour ne pas avoir à les fêter là, entre deux mottes de terre, alors que l'espoir de voir son souhait se réaliser s'atténuait toujours plus. Un mouvement bref se fit entrevoir au niveau des troupes ennemies : le soldat que Tom observait depuis quelques minutes avait légèrement bougé. Surpris par ce mouvement soudain, et sans vraiment réfléchir plus, le blond appuya sur la gâchette. L'homme à quelques mètres de là eut un étrange spasme, et lâcha son fusil de lui-même, alors que du sang s'écoulait de sa poitrine, visible à bonne distance.

Je t'attendrai.Where stories live. Discover now