- Tu t'en vas alors ?

- Il faut bien...

Soupira-t-il, attrapant au passage son vieux pantalon court pour le remonter sur ses fines jambes. Le brun se rhabilla à son tour et il se leva pour l'accompagner dans l'entrée de la petite maison, déposant un énième baiser sur le bout de son nez fin.

- Rentre bien...

- Je viendrais au garage dès demain pour les réparations, promis...

Lui susurra-t-il à l'oreille, déchiré de devoir l'abandonner une fois de plus. Les amoureux s'observèrent une dernière fois, comme pour s'imprégner chacun du visage de l'autre avant la séparation qui les attendait, et le plus jeune détacha ses mains de leurs jumelles pour laisser son homme seul, un sourire triste mais tendre encore imprimé sur les lèvres.

- A bientôt Trésor...

Murmura de manière presque inaudible Tom, refermant la porte derrière son amant.

Il l'aimait tant.

Bill traversa la ville enneigée pour la seconde fois, reprenant le même chemin que la veille. Il salua les quelques passants et surtout commerçants qui s'installaient tôt le matin et arriva à la petite maison reculée, les cuisses tremblantes et le corps grelottant. Il faisait frisquet. Le jeune homme poussa la grosse porte de bois et soupira en entendant la maison entière se craqueler à chacun de ses pas. Sa grand-mère aimait lui rappeler à quel point cette maison était solide, droite et semblable au roseau. Elle ployait mais ne rompait point. En effet, la petite baraque avait été ballotée par la guerre, jonchée de projectiles, mais restait bel et bien debout, là, au milieu de ces anciens champs de colza. Froide en apparence mais chaude et grouillante d'histoires en son cœur. Le brun retira prestement ses vieilles bottes et pesta contre le vent frais qui lui faisait claquer des dents. Il avança vers le petit salon qui leur servait également de cuisine une fois déshabillé.

Cette minuscule cuisine était équipée d'un vieux four à la peinture moutarde écaillée, ainsi que d'un évier dans lequel l'adolescent effectuait habituellement sa toilette. Quelques placards aussi vieux que le monde et une montagne de casseroles, poêles et autres ustensiles tous empilés les uns sur les autres, créant une tour infernale aux côtés du lavabo. Le brun fit la grimace en se disant qu'une vaisselle serait de mise. Une table nappée de carreaux était au centre de la pièce étroite, de l'autre côté trônant le canapé qui servait à la fois de petit salon et de lit à Bill l'été, quand sa chambre sous les combles adoptait une température trop insoutenable pour dormir dedans. Le brun s'en contentait, ignorant les mal de dos fréquents. Puis il dormait plus souvent chez Tom, qui lui avait de vrais matelas et édredons bien chauds. Son amant avait aussi un corps bien plus confortable que tous les draps de ce monde, aussi propres et repassés soient-ils. Le petit brun rougit à cette pensée et fixa la pendule qui sonnait six heures, objet qui lui avait toujours semblé immense. En effet elle faisait près de deux mètres et pesait un poids qui était tout bonnement indescriptible pour Bill. Enfant il en avait peur, tant elle lui faisait penser à une méchante sorcière. La vitre à l'intérieur de laquelle se balançait le pendule était semblable à une grande bouche prête à l'avaler de tout son long. Le jeune homme sortit de sa léthargie et sursauta violemment en apercevant sa grand-mère, assise sur l'une des chaises en face de lui.

- Tu ne m'as pas entendu arriver ? Tu es distrait, petit canard...

Le brun leva les yeux au ciel et s'approcha de la vieille femme, déposant un baiser sur son front.

- Привет бабушка. (Bonjour grand-mère)

Enonça le jeune homme en russe, faisant sourire son aînée. Cette dernière avait un petit visage rond et écrasé, ainsi que deux immenses yeux en amandes, presque bridés. Ses lèvres étaient gercées par les âges et sa peau pleine de vie et de creux, marquée par le temps. Grand-mère Macha était aussi vieille que l'était sa maison, si ce n'est plus. Lorsque son petit-fils était encore en âge de la croire elle aimait affirmer qu'elle était une sorcière vieille de plus de cent ans. Le brun ne croyait plus vraiment à cette histoire depuis longtemps mais se surprenait à y repenser certaines fois. Jadis elle lui comptait mille et une histoires et contes de son pays, berçant le jeune aux paroles des sages avant elle. Son petit châle de laine colorée déposé sur ses épaules courbé, elle veillait, la tête couverte par cette même laine, un sourire énigmatique aux lèvres.

Je t'attendrai.Where stories live. Discover now