Chapitre 25

Depuis le début
                                    

J'étais dans un grand rayon contenant du matériel pour le dessin qu'était le passe-temps favoris de mon petit ronchon de frère qui s'appelait Marius. Je savais qu'il aimait dessiner, mais il n'avait jamais présenté ses œuvres à quelqu'un, même pas à ses amis. Sous ses airs de gros dur, mon frère avait un cœur aussi grand que celui de mon cousin Steeve, même s'il était un peu abruti sur les bords. Mais c'était son caractère qui faisait qu'on l'aimait tel qu'il l'était.

Je m'arrêtai auprès d'une pile de palettes de peintures qui m'avait tapée dans l'œil grâce à ses belles couleurs qui avaient l'air de refléter la joie. Cela me fit immédiatement pensé à ce qu'il manquait le plus chez Marius : la chance et la joie d'avoir une famille qui l'aimait ainsi qu'un toit sur la tête.

- Elles sont belles, n'est-ce pas ? 

Je relevai la tête pour apercevoir Kimberly se tenir près de moi en parlant de la boîte que je contenais entre les mains et que je contemplais depuis plusieurs secondes.

J'acquiesçai d'un hochement de la tête en reportant mon attention sur le prix de cette merveilleuse chose. Je déglutis en remarquant qu'il était plutôt haut pour quelques malheureux blocs de peinture.

- Et chères, mais dis-toi que c'est de la bonne qualité. Plus de meilleure qualité, plus on discerne les sentiments exprimés sur l'œuvre d'art. Demande-toi si cette personne qui doit recevoir ce cadeau mérite ce prix-là ou bien moins cher. 

Je relevai la tête en l'écoutant attentivement. C'était bien la première fois que Kimberly me donnait des conseils. À la fin de celui-ci, je la regardai et un sourire sincère s'était formé au beau milieu de son visage. Je pouvais même remarquer qu'elle avait de petites fossettes. J'étais peut-être restée sans mouvements pendant plusieurs secondes, en train de contempler son magnifique sourire. J'arrêtai mon action en m'en rendant compte. Je lui souris à mon tour en décidant de choisir cette palette de gouache. Elle disparu toute de suite après afin de vaquer à ses occupations. Tandis que je rangeais mon achat dans le petit panier coincé au creux de mon coude, je reconnus non loin de là un garçon à la chevelure rouge. Il s'agissait de ce gars qui avait agressé Charlie lors de ma rencontre avec cette dernière. Etant donné qu'il se trouvait dans le passage dans lequel je voulais passer, je dus croiser son chemin. Malheureusement pour moi, mon visage ne lui était pas inconnu.

- Hé, toi. Tu pourras dire à ton amie que j'attends toujours mon fric ? Qu'elle ne pense pas que je l'ai oubliée depuis.

Je passai à ses côtés en faisant mine de n'avoir rien entendu. Soudainement, je fus arrêtée dans mon élan. Il me retins pas le bras. Il ne le serrait pas, mais cela me faisait déjà souffrir avant même qu'il ne puisse insister. C'était mentale, mais j'avais peur de ce que pouvais m'infliger cet individu.

- Réponds-moi quand je te parle. 

- Charlie ne te doit rien du tout. Ce n'est pas de sa faute si tu t'es foutu dans cette histoire stupéfiants. Alors lâche-moi avant que je ne me mette à crier. Ce n'est pas ce que tu veux, n'est-ce pas ?

Il jura vulgairement avant de me lâcher le poignet. Lorsque je voulu vaquer à mes courses, je l'entendis me retourner ces quelques mots, hurlant de haine :

- Tu ne la connais pas ! Cette fille est la plus grande manipulatrice de tout l'Etat du Minnesota. Je t'aurais prévenue ! 

Je ne pris pas en compte cette phrase, mais il était vrai que même si je devais m'en méfier, je ne la connaissais pas tant que ça. Je ne connaissais qu'une simple partie de son existence. Et cela ne s'agissait pas de la plus belle. Cependant les propos du jeune homme me convainquirent d'avoir une discussion avec la jeune femme en question. Je n'aimais pas rester coincée entre une tonne d'interrogations.  


- Psst, entendis-je à mes côtés. Thaïs ? Tu dors ? 

Je me tournai de l'autre côté pour regarder Charlie dans son lit et qui m'avait appelée discrètement. Je ne répondis pas, encore un peu dans mes pensées.

- Ça te dit qu'on sorte d'ici ? Le temps d'une heure ou deux ? 

Je regardai le petit cadran lumineux qui annonçait en-dessous de vingt-deux heures. Je repoussai les couvertures en simple réponse avant de me lever pour mettre quelque chose de chaud. Elle m'imita d'un air béat.

     Il faisait noir et on était dehors en train de marcher dans la rue, ce qui n'était pas une bonne idée à vingt-trois heures pour des filles sans défense. Mes mains étaient enfoncées dans mes poches et une sorte de fumée blanche sortait de ma bouche à chacune de mes respirations. Quelques minutes plus tard, on s'installa sur ce petit banc en bois gelé.

- Ça te tente toujours de continuer ce jeu ? Enfin... 

Je vis un sourire sur son visage grâce au lampadaire au-dessus de nos têtes qui nous éclairait.

- Tu as vu la tête des gens ?! Bien sûr que je vais continuer ! 

Je l'entendis ricaner. Je détournai le regard. Ça ne me faisait pas rire. En fait, ça me vexait de voir qu'elle prenait cela vraiment pour de la comédie. Pourtant, elle jouait bien sa romantique quand elle en avait envie.

- C'est dommage que tu ne sois pas un mec, tu as toutes les qualités que je cherche et qui me plaisent. 

Elle le disait d'un ton sérieux, cette fois-ci. C'est vrai que j'aurais bien aimé me transformer en homme à cet instant pour pouvoir avoir cette réelle opportunité de gagner un véritable amour, qui sait.

- Ouais, c'est pas toujours facile d'être homosexuelle, personnellement... 

Elle acquiesça sans vraiment le savoir car elle ne l'était pas, elle le jouait uniquement.

- Parfois, tu me fais un peu penser à mon défunt copain... Tes baisers sont aussi doux et passionnants que lui... 

Était-ce un compliment ? Je ne le savais pas, mais en tout cas c'était frustrant d'être comparée à une personne décédée que je ne connaissais même pas et donc, je ne pouvais pas le confirmer.

Elle poursuivit son discours en commençant par larmoyer. Ça me faisait mal de la voir dans cet état, mais je la laissai s'exprimer afin de la laisser vider ce poids qui devait loger dans son cœur depuis lors.

En ayant marre, je la blottis fortement contre moi en passant une main dans ses cheveux légèrement emmêlés en tentant de la rassurer.

On se détacha l'une de l'autre petit à petit quand elle fut plus calmée. Mais nos regards restèrent coincés alors que nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres.

Sans nous y attendre, on s'embrassa et ça semblait être réel et non de la comédie, cette fois-ci.

Je réalisai dès lors que je pouvais aimer une seconde fois.

Aimer une seconde foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant