Aimer une seconde fois

Chapitre 10

Nous avions mis pas loin d'un quart d'heure avant d'atteindre l'infirmerie. je me rendis compte que c'était la deuxième fois qu'elle m'y accompagnait. Elle m'aida à m'installer sur l'une des chaises qui se trouvait à l'extérieur du cabinet. Elle se plaça près de la porte avant de lâcher un juron et de se tourner vers moi, les yeux grands ouverts.

- Je vais devoir me rendre à l'accueil pour annoncer ton état... Cette foutue d'infirmerie ferme à seize heures trente le jeudi !

Je reniflai doucement en passant une main sur mon estomac.

- Pourquoi tu fais tout ça pour moi... ? T'en as rien à foutre de moi... Et puis si tes amies te prenaient...

Elle s'avança près de moi à grands pas avant de me faire taire en positionnant sa main sur ma bouche. Elle m'observa attentivement, à la recherche d'un argument, sans doute.

- Contente-toi uniquement de mon aide cette fois-ci, on parlera de tout ça quand tu seras de nouveau sur pieds.

Je hochai la tête de haut en bas avant qu'elle n'enlève sa main et qu'elle s'éloigne à nouveau de moi en sortant son téléphone portable. De plus en plus étrange cette fille, tout de même...

La douleur au ventre s'atténua au fur et à mesure que le temps défilait. Néanmoins, j'avais toujours cette souffrance désagréable à chaque fois que mon ventre se gonflait puis se dégonflait. Quant à Alba, elle avait appelé quelqu'un pour se rendre à l'accueil à sa place, elle voulait veiller sur moi en attendant d'être prise en charge. Son regard de posé sur moi me fichait vraiment la trouille. Il était inexpressif, sans vie, comme si elle repensait à quelque chose... Ses orbites me quittèrent pour se poser sur deux personnes passées en trombe devant nous. Une de ces personnes ouvrit l'infirmerie après avoir observée mon état. Pendant que celle-ci me transportait à l'intérieur du cabinet, je remarquai que Tyler s'était pointait devant Alba, fou furieux de me voir légèrement boiter.

   Je ressortis de l'infirmerie peu de temps après, en étant un peu plus en forme que lorsque j'y étais entrée. Sans m'y attendre, quelqu'un me sauta au cou, à peine sortie du cabinet.

- Thaïs ! Nous venons d'apprendre la nouvelle. Qui t'a fait ça ?

Cette dernière se détacha de moi, soulagée de me revoir. C'était Ambre. Emily et Lina se tenaient à l'arrière. Je rigolai doucement avant de la rassurer.

- Ne vous inquiétez pas, tout va parfaitement bien, les filles. Par contre il faut absolument que je parle à quelqu'un.

Ambre me dévisagea du regard avant qu'Emily ne prenne la parole :

- On l'a chassée, si c'est avec elle que tu veux discuter. Je ne la comprends pas cette fille. Elle ose te faire du mal pour ensuite profiter de la situation. Elle te veut quoi au juste ?

Je baissai les yeux, vexée par ce que je venais d'entendre. Des mots que je ne voulais plus entendre de ma vie. Or, c'était la pure vérité... Et la vérité blessait horriblement... Je haussai les épaules avant qu'on de rejoindre notre chambre pour leur raconter toute l'histoire, en ôtant le passage d'Alba.

   J'avais passé un quart de la nuit à réfléchir par rapport aux gestes qu'Alba avait effectués pour moi cet après-midi. Les bons comme les mauvais. Ce matin je l'avais croisée dehors en train d'allumer sa cigarette. Elle était à l'écart de sa bande de poufs. Seul Tyler était à ses côtés. Leur regard avait dérivé sur moi. Je voyais dans celui-ci qu'ils voulaient venir me voir, me parler, mais qu'ils y étaient interdits. J'avais alors tracé ma route pour rejoindre mon casier afin d'aller récupérer mes affaires. La Alba que j'ai connue ne fumait pas, ne buvait pas et ne couchait pas encore. Mais surtout, elle n'éprouvait rien pour les garçons... Hormis cela, elle n'avait pas réellement changé son bon fond. En fait, on dirait même que ça faisait longtemps qu'il n'avait pas refait surface.

   Le professeur avait décidément décidé de nous emmerder depuis qu'il nous avait donné ce test à faire.

- Étant donné que vous auriez quelques jours de repos, vous auriez également du travail. Un travail qui me porte vraiment à cœur de le faire et puisque vous êtes une classe sérieuse et performante, je vous ai choisis pour réaliser une pièce de théâtre sur la bataille d'Alésia qui a été remportée par le dominant des Romains : Jules César. Comme vous devriez le savoir cet événement s'est produit en l'an cinquante-deux avant Jésus-Christ et...

Et blablabla... L'idée de la pièce de théâtre me paraissait forte intéressante et amusante. Nous allions enfin pouvoir éveiller le petit acteur qui sommeillait en nous. De toute façon, je savais que j'allais décerner un simple rôle, comme toujours... Voire aucun, même.

   Les autres bouffonnes avaient fait exprès de se placer près de moi pour me balancer quelques boules en papier dans le dos. Emily s'en était reçue une ou deux et lorsqu'elle s'était retournée, on aurait dit qu'elle les assassinait du regard. On n'y pouvait rien si certaines personnes n'étaient pas encore tout à fait mûres dans leur tête à dix-huit ans, voire dix-neuf.

   On venait de passer une heure et demi à voter pour savoir qui obtiendrait les différents rôles de la pièce. J'avais juste gagné celui d'ouvrir et refermer les rideaux. Au moins, je n'avais pas de texte à connaître, uniquement à lire le manuscrit. Emily quant à elle, jouera un simple Gaulois. Et ceux qui disposeront des rôles principaux seront Alba, dans la peau de Vercingétorix et un autre gars qu'on appelait tous "Todd" qui avait détenu celui de Jules César.

   Tandis que la cloche venait d'annoncer enfin la fin de notre dernier cours avant la tranquillité, le prof convoqua la personne qui jouait Vercingétorix pour soit disant lui expliquer certaines techniques à propos de son rôle. Avec Emily, nous sortîmes de la salle pour rejoindre Ambre et Lina à la cafétéria. Sauf qu'arrivées à la cafétéria, je pensais que c'était la bonne occasion pour mettre les choses au point avec Alba. Il fallait que je le fasse.

J'inventai une excuse avant de faire le chemin inverse pour me rendre près de la salle où j'avais eu mon tout dernier cours de la journée. Arrivée là-bas, je m'arrêtai près de la porte entre-ouverte. Alba y était encore apparemment.

- Dis-moi, quand est-ce qu'on arrête tout ça... ?

Je pus apercevoir la scène à travers cette fine ouverture qui donnait sur Alba et le professeur, Monsieur Wilkins. Il se passa une main dans les cheveux, l'air embarrassé.

- Je cherche juste à t'aider, Alba. Mais... Si tu ne veux plus de mon aide alors je te laisserai. Ce sont tes choix après tout...

Mon professeur d'histoire/géo était le psychologue caché d'Alba ? Mais quels étaient les problèmes que pouvait bien avoir Alba ? Alba n'avait pas de problèmes, hormis son père qui était homophobe... Ou bien peut-être que le problème venait du fait qu'Alba n'était plus Alba ? Aucune idée, mais je voulais le savoir à tout prix.

Une main se posant sur mon épaule me fit légèrement flipper. Je me retournai en sursaut pour reconnaître mon amie Charlie. Je lui adressai un énorme sourire en la voyant. Je décidai de m'éloigner du couloir afin d'éviter les catastrophes. Tant pis pour la discussion que je devais absolument avoir avec la jeune brune.

   On s'était assise sur l'herbe tondue du stade, en train de visionner les pom-poms girls qui révisaient leur petite chorégraphie d'encouragements. Pour finir, Charlie s'était jointe à nous. Cette fille était une perle rare, je l'adorais déjà. C'est fou comme on peu vite s'attacher à certaines personnes. Le fait de perdre la personne qu'on aimait plus que tout au monde sans rien demander était peut-être la cause de notre rapprochement instantané. Les filles aussi l'appréciaient même si j'étais persuadée qu'entre elles, elles devaient encore s'imaginer des choses.

J'étais persuadée que Charlie serait ma sauveuse. Même dans les moments inimaginables.