CHAPITRE 29

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Retour en arrière,

Cela fait près d'une semaine que je n'ai pas revu Miguel. Il ne m'a pas rappelé, ni envoyé d'autre message. Après avoir pleuré toute ma rage pendant des heures durant, c'est-à-dire plus de quarante-huit heures, suite à son e-mail, je me suis réveillée avec la détermination qu'il fallait aller de l'avant. Mais dès que je pense ou que quelqu'un me parle de lui mes yeux se remplissent de larmes. Je ne parviens pas à lui en vouloir. Je me sens responsable de ce qui m'arrive. Jamais, je n'aurais du le forcer à partir sans moi. Je ne peux que m'en prendre qu'à moi !

Je m'efforce, mais pas sans difficulté, à me lever chaque matin en me concentrant sur mon travail, essayant d'oublier l'espace de quelques heures, que j'ai été abandonnée par l'homme que j'aime.

Les journées me semblent très, très longues... Et aujourd'hui, cela ne fait pas exception, bien au contraire, elle me parait encore plus interminable que les autres. Je n'en peux plus ! J'ai mal partout ! Mais je ne veux pas me poser, ça serait encore plus pire pour moi. Une douleur au ventre vient s'ajouter à celle que j'ai déjà au dos, j'ai beaucoup de mal à la supporter depuis quelques heures, mais je dois faire avec. Je veux, non, je dois rester occupée, ne rien faire serait le début de la fin. Je ne pourrais pas retenir mes larmes et je m'enfoncerais dans un chagrin sans fin, une dépression en somme.

Notre pâtisserie rencontre toujours un franc succès, elle est toujours aussi pleine. Les gens font toujours la queue pour venir déguster un caramujo et un jus de fruit tout juste presser. Au moins, tout ne s'écroule pas dans ma vie comme un château de cartes. Certaines bonnes choses restent et c'est tant mieux !

Je suis en train de débarrasser une table, quand je reste plantée en plein milieu de la salle, stoppée par une abominable douleur ventrale.

— Aie !... Ah ! hurlé-je à haute voix, tellement je suis surprise par cette horrible souffrance.

Je m'accroche comme je peux à une table, mes jambes pouvant lâcher à tout moment. Des clients se ruent vers moi, affolés, alors que je tente avec l'aide d'une tierce personne de m'asseoir sur la chaise la plus proche. L'un deux appelle les urgences. Moi, je tremble de tout mon corps, je ne supporte plus ce mal, il faut qu'il cesse. Je vais mourir !

— Mon dieu Amélia, tu saignes ! m'informe Danièla sous le choc.

Je n'ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit pour la rassurer, que mon corps m'abandonne à son tour. Décidément, je perds tout en ce moment, même ma tête !

A mon réveil, je suis à l'hôpital, et vu la tronche de mon médecin, je m'attends au pire. Je ne sais pas ce que j'ai, mais ça ne doit pas être bon ! Il semble dépité. Et cela m'angoisse terriblement.

— Calmez-vous ! insiste le clinicien pour que je me tranquillise. Mademoiselle, pouvez-vous me dire s'il y a des possibilités que vous soyez enceinte ?

Enceinte ? Moi ? Mais qu'est-ce que j'en sais ?

— Je ne sais pas, dis-je à moitié dans les vapes, ne sachant pas quoi répondre.

— Nous allons vous faire une prise de sang et plusieurs examens, m'informe mon praticien toujours avec une mine affreuse.

Il pense que j'attends un bébé ? Je réalise à peine ce qu'il vient d'énoncer. Ça expliquerait tous mes maux ! Le mal de dos constant, la douleur au ventre, mes règles menstruelles quasi inexistantes ses derniers temps, mes sautes d'humeurs... Tout était là ! Et moi, je n'ai rien vu ! Comment j'ai pu passé au travers ?

Après de nombreux examens, où l'on m'a pris pour une marionnette géante, car je n'étais pas à même de régir à leur demande, étant dans un état second, mon médecin revient vers moi, encore plus dépité que tout à l'heure.

Je n'ai aucune envie d'entendre ce qu'il a à me dire. La peur reprenant le dessus sur moi. Je me lève d'un bond, prends mes affaires et disparais de ce lieu sinistre. Mon médecin me court après, me suit même jusqu'à l'ascenseur, tout en me parlant. Mais je ne prête aucune attention à ce qu'il me débite, je n'entends que sa dernière phrase :

— Faîtes attention à vous !

Dans mon lit, je me remémore ma journée de dingue, et des brilles de conversation des infirmières et des médecins de l'hôpital me reviennent à l'esprit pendant qu'ils me faisaient passer les différents examens : Oui, elle était bien enceinte... Pourquoi n'a-t-elle pas pris soin d'elle ?... Elle est mal au point... Il faut qu'elle se repose un maximum... Elle faut qu'elle voie un neurologue... Comment peut-elle encore tenir debout ?...

— Oh mon Dieu !... J'étais enceinte... Qu'est-ce que j'ai fait ? je crie de panique.

Je sursaute même sur mon lit tellement je suis sous le choc. Tous mes membres se remettent à trembler, je respire bruyamment comme si mon corps voulait me faire dire quelque chose, mais je n'y comprends rien. Cela me terrorise encore plus.

— J'étais enceinte... J'ai perdu mon bébé... je marmonne dans ma barbe.

Et à l'évocation de ces mots, je fonds en larme. Je n'arrive pas à me contenir, c'est plus fort que moi, mes yeux coulent sans relâche pendant presque toute la nuit... Je suis inconsolable. Je suis épuisée, mal au point. Je ne parviens pas à bouger, la douleur est trop vive. J'aimerais que ce supplice stoppe, mais il ne fait que de s'accroître au fil des heures.

— Pourquoi je n'ai pas pris soin de moi ? je me le reproche à haute voix. J'aurais du m'apercevoir que je portais un bébé ! Je ne suis pas digne d'être mère ! Je suis pitoyable, voilà tout !

Je ne mérite pas d'être heureuse ! Les gens de mon entourage avaient raison, le bonheur n'est pas fait pour moi. Il n'existe que pour les personnes dites « normales » ! Plus maudite que moi, ça n'existe pas ! 

PRENDRE MON ENVOLWhere stories live. Discover now