164 - Belle-mère

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Tamara s'était toujours très bien entendue avec Annie, mais il y avait toujours eu une certaine réserve entre elles.

Lors de leur première rencontre, elle s'était sentie très intimidée : comment regarder dans les yeux la mère de celui avec lequel elle s'était aussi mal conduite ? Cependant, la grand-mère de Julien s'était montrée agréable envers elle et elle avait visiblement tenté de la mettre à l'aise. C'est avec Annie qu'elle avait, ensuite, négocié les vacances d'été. Elle avait pu à différentes reprises apprécier sa diplomatie et son équité.

Tamara s'était sentie très gênée quand, durant la convalescence de Julien, elle avait agi sournoisement en rejoignant François la nuit. Elle s'était toujours demandé dans quelle mesure, Annie n'avait pas deviné ce qui se tramait entre eux. En tout cas, elle n'y avait jamais fait la moindre allusion et avait parue sincèrement désolée quand Tamara avait annoncé qu'elle ne viendrait plus.

Annie avait ensuite accueilli chaleureusement Tamara lors de son installation définitive à Lyon, lui avait cédé sa chambre et l'associait à participer à la vie familiale à chaque fois que l'occasion se présentait.

Tamara était malgré tout restée intimidée par celle que François lui avait présentée comme étant un modèle de mère au tout début de leur histoire. Le fait qu'elle ait perdu sa mère très jeune lui avait sans doute fait idéaliser le rôle maternel, avait-elle fini par analyser. Cosima l'avait aimée et protégée, mais n'avait jamais été ni douce, ni bienveillante, ni respectueuse de ses décisions d'adulte. Annie avait su trouver avec François la juste distance, sachant le soutenir sans l'infantiliser, ce qui provoquait l'admiration de Tamara qui aurait bien aimé avoir ce genre de relations avec sa sœur.

Annie n'était pas pour autant effacée ou sans vie personnelle. Elle passait ses journées hors de la maison, œuvrant pour une association qui dispensait des cours à des enfants non scolarisés ou se distrayant avec ses amies. Elle indiquait en général l'heure à laquelle elle prévoyait de rentrer, ce qui fixait l'heure du dîner. Elle ne faisait aucun reproche quand l'un d'eux omettait de s'acquitter de la corvée qui lui était dévolue, mais elle ne faisait rien pour pallier le manque. Généralement, c'est Julien qui dénonçait les repas non préparés ou les courses oubliées tandis que François, qui aimait l'ordre et la propreté, protestait quand le ménage était négligé. Elle intervenait peu dans la vie privée de ses proches, mais ses remarques frappaient toujours juste et étaient généralement suivies d'effet, même si elle n'insistait pas quand ses conseils n'étaient pas pris en compte.

Alors que son terme approchait, Tamara ressentait le besoin d'avoir une relation plus profonde avec la mère de son compagnon. La résurgence des objets et meubles du grenier leur en donna l'occasion. Annie mit de côté ceux auxquels elle était particulièrement attachée et entreprit d'expliquer à sa famille ce qu'ils représentaient pour elle, égrenant ses souvenirs. Elle leur parla de ses parents, de son frère avec lequel elle avait peu de contacts depuis qu'il s'était installé à l'étranger et de son mari qui était décédé prématurément quand François avait quinze ans.

Tamara fut heureuse d'en apprendre davantage sur Annie et mieux se représenter ce qu'avait été sa jeunesse et sa vie de femme. Elle posa timidement des questions pour en savoir plus, et sa belle-mère révéla des épisodes que même François ne connaissait pas ou qu'il avait oubliés depuis longtemps. Annie en profita pour amener Tamara à parler à son tour de sa jeunesse, de ses parents, de sa vie de petite fille. Ces échanges de confidences permirent aux deux femmes de s'apprécier encore davantage.

Tamara s'émerveilla de constater à quel point cet enfant, avant même sa naissance, avait resserré leurs liens familiaux.


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