158 - Bachotage

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De prime abord, Julien ne fut pas emballé par l'idée de travailler sous la responsabilité de sa grand-mère.

— C'est bon, je sais travailler tout seul. Je vais me débrouiller.

— À ton avis, tu obtiendras combien à l'examen ? demanda François qui faisait des efforts méritoires pour rester calme.

— Comment veux-tu que je le sache ? Ça dépend du correcteur, affirma Julien avec aplomb.

— À combien évalues-tu tes chances de tomber sur quelqu'un plus cool que ta prof actuelle ? riposta François avec un regard lourd vers le classeur de français de son fils où dormaient des copies aux notes désastreuses.

Julien, qui était suffisamment réaliste pour savoir qu'il était mal parti, chercha un autre angle d'attaque.

— Si j'accepte, je pourrai partir en camping avec Nathan cet été ? tenta-t-il.

— Si tu as la moyenne à l'écrit, tu pourras le faire, accepta immédiatement François.

Julien ouvrit la bouche avant de la refermer, comprenant qu'il s'était fait avoir. Il lança un regard furieux à son père avant de se tourner vers sa grand-mère :

— Qu'est-ce que tu proposes ? demanda-t-il du bout des lèvres.

C'est ainsi que sous la férule d'Annie, Julien et son ami Nathan bachotèrent à fond les trois semaines qui précédèrent les épreuves du baccalauréat de français.

— Je peux commenter tous mes textes même en dormant, se plaignit Julien un matin.

— Chacun de mes textes, corrigea Annie. Plus qu'une semaine et tu seras libéré. Maintenant, termine ton chocolat, vous avez un commentaire de texte à faire en quatre heures, et j'aimerais bien qu'on ne déjeune pas trop tard.

Nathan, que ses parents avaient confié à la famille de son ami pour la semaine, échangea un regard résigné avec son ami avant de se dépêcher de se beurrer une tartine supplémentaire.

Tamara participait à l'effort familial en préparant des repas substantiels pour les deux adolescents, s'efforçant de leur fournir une nourriture à la fois équilibrée et flattant leurs goûts. Elle aimait les heures passées à la cuisine : c'était moins dur qu'à l'atelier et ça sentait meilleur. L'approbation de sa famille se régalant de ses petits plats lui faisait aussi éminemment plaisir.

François prenait le relais le soir en s'improvisant examinateur pour préparer les garçons aux oraux. Examinateur « sadique », d'après Julien, « rigoureux », selon Nathan qui était bien élevé. Les deux jeunes gens tombaient d'accord sur le fait qu'ils étaient maintenant préparés au pire.

Au grand soulagement de tous, ils passèrent enfin leurs épreuves. Durant la semaine durant laquelle ils attendirent leurs résultats, on laissa aux garçons une liberté totale. Ils en profitèrent pour jouer sur l'ordinateur jusque tard dans la nuit, faire la grasse matinée, et partir en virée en cyclomoteur.

Ils eurent finalement leurs notes. Julien avait réussi à obtenir la moyenne à l'écrit, ce qui était inespéré, et quatorze à l'oral, ce qui laissa tout le monde stupéfait.

— J'ai assuré, c'est tout ! fanfaronna Julien.

— Surtout, ne me remercie pas de t'avoir entraîné ! commenta ironiquement François.

— Tu m'as surtout fait faire des cauchemars les trois jours qui ont précédé mon oral, prétendit Julien. Mais c'est vrai que finalement, j'ai trouvé ça facile et que ça m'a aidé à ne rien oublier, reconnut-il en souriant, avant de se pencher vers son père pour l'embrasser. Merci mon petit Papa !

Il câlina ensuite sa grand-mère et Tamara, plutôt fier de lui. François pensa avec consternation à ce qui les attendait l'année suivante avec toutes les autres matières à passer.

Nathan, qui était globalement meilleur que Julien au lycée, obtint quatorze à l'écrit et seize à l'oral, ce qui remplit d'aise ses parents. Ils exprimèrent leur gratitude en invitant toute la famille dans un bon restaurant lyonnais.


Peine incompressibleWhere stories live. Discover now