38 - Nouveau-né

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En fin de soirée, Tamara s'était réveillée en larmes, seule dans une chambre d'hôpital sans fenêtre. Une infirmière était passée pour lui apporter un plateau et lui donner des comprimés destinés à éviter la montée de lait. Tamara avait demandé à voir son enfant, mais l'infirmière avait refusé. Selon le protocole, les nouveau-nés devaient demeurer à la pouponnière la première nuit pour que l'accouchée se repose. Tamara avait eu beau expliquer qu'elle serait ramenée à la prison dès le lendemain, la femme était restée inflexible. « De toute façon, il vaut mieux que vous ne vous attachiez pas », avait-elle fini par justifier en partant.

Une sage-femme était passée une heure plus tard pour prendre sa tension et vérifier qu'elle n'avait pas de saignements anormaux. Après les soins, inquiète de l'état de détresse de la jeune mère, elle avait posé des questions. Une fois mise au courant de la situation, elle était ressortie sans commentaire. Elle était revenue un quart d'heure plus tard, poussant un berceau.

Elle avait mis le bébé dans les bras de sa mère et avait chuchoté d'un ton de conspiratrice : « Je viendrai le rechercher à six heures demain matin, pour que vous ne vous fassiez pas disputer ». Elle avait déposé deux couches près du lit ainsi qu'un biberon, puis était partie.

Toute la nuit, Tamara avait gardé son enfant contre elle, lui murmurant des mots doux, l'embrassant, gravant dans sa mémoire son petit visage fripé. Quand il s'était réveillé, elle lui avait présenté son sein avec un violent sentiment de transgression. Mais tout avait été balayé par l'émotion intense qui l'avait saisie quand la bouche minuscule s'était refermée sur son mamelon. Elle l'avait ensuite changé, et lui avait chanté des berceuses.

Trop tôt, l'infirmière était revenue. Elle avait doucement caressé la tête de la jeune mère avant de tendre les bras. Douloureusement, Tamara lui avait redonné l'enfant.

— Ne vous en faites pas, on va bien s'occuper de lui, avait dit gentiment sa bienfaitrice. Le papa est déjà venu.

Les joues inondées de larmes, Tamara avait suivi le berceau des yeux. Il s'était dérobé à sa vue quand le gendarme en faction avait refermé la porte et l'avait verrouillée.


Peine incompressibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant