63 - Attirance

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François était encore sous le choc quand il sortit. Il était furieux contre elle, furieux contre lui et furieux contre Julien qui était à l'origine de tout ce bazar.

Une fois qu'il fut un peu calmé, il tenta de comprendre ce qui s'était passé. Quelle mouche l'avait piqué ? Pourquoi l'avait-il embrassé ? Qu'elle soit attirante n'expliquait pas tout. Il savait contrôler ses pulsions et arrivait généralement à ne pas se jeter sur les jolies femmes qu'il croisait. En ce qui concernait Tamara il avait fait plus que la croiser quinze ans auparavant, mais ce n'était pas une raison pour se laisser ainsi aller.

Il se rendait compte qu'il avait totalement sous-estimé l'attirance qu'elle pourrait encore exercer sur lui. Il avait pensé à l'inconfort de se trouver en présence d'une personne qui avait bouleversé sa vie, et n'avait pas imaginé qu'elle pourrait encore lui plaire... Même si...

Était-ce pour cette raison qu'il avait toujours voulu la garder éloignée ? se demanda-t-il. Savait-il qu'il serait encore attiré par elle, malgré tout ce qu'elle lui avait fait ?

Non, décida-t-il. C'était juste une question de circonstance. Il avait été troublé par l'évocation du passé et les révélations qu'elle venait de lui faire. Il avait baissé sa garde et s'était laissé charmé par son sourire, comme autrefois...

Il s'arrêta brusquement. Avait-elle fait exprès ? Était-ce une mise en scène pour se rapprocher de lui ? Avait-elle abordé le sujet de la conception de Julien pour l'attendrir ? Il se sentit très mal à cette pensée, horrifié par ce que cette triste réalité révélait sur elle. Comment protéger son fils contre une telle manipulatrice ?

Il devenait complètement paranoïaque, réalisa-t-il après ce moment de panique. Même si dans le passé elle avait mal agi envers lui, elle ne s'était jamais montrée aussi retorse. Il savait qu'elle n'avait pas profité de leurs relations pour obtenir des renseignements sur l'enquête qu'il menait contre elle, car dans le cas contraire son chef ne l'aurait pas couvert. Il savait aussi, même s'il ne l'avait reconnu qu'à contrecœur, qu'elle l'avait réellement aimé. Il n'avait jamais douté être le père de Julien, même au plus fort de sa colère.

Et puis il se rappelait la surprise dans son regard quand il s'était approché d'elle. Elle avait aimé leur baiser, mais n'avait pas tenté de le retenir quand il l'avait repoussé. Comment aurait-il réagi si elle s'était montrée plus séductrice ? se demanda-t-il. Jusqu'où serait-il allé ? Il préféra ne pas tenter répondre à la question.

Qu'allait-il se passer maintenant ? Il avait peur, réalisa-t-il. Peur des conséquences, peur de ne pas réagir correctement. Il ne voulait pas décevoir son fils ni la blesser. Mais il ne voulait pas non plus se laisser entraîner dans une relation qu'il ne désirait pas.

Ne lui avait-elle pas montré la marche à suivre ? Elle avait dédramatisé la situation et lui avait parlé normalement, comme si rien de compromettant ou de gênant s'était passé entre eux. Après une liaison passionnée puis des années de silence, ils devaient maintenant improviser une nouvelle relation, trouver la bonne distance, réapprendre à communiquer. François comprit alors pourquoi sa mère lui avait conseillé de lui téléphoner avant cette cohabitation. S'ils s'étaient parlé pour mettre au point les détails matériels, ils auraient pu renouer le dialogue sans surcharge émotionnelle.

Tout reprendre au début ne serait pas facile. François aurait volontiers laissé la maison à Julien et à sa mère. Mais son fils comptait sur lui et il savait qu'il lui devait cet effort. Il retourna sur ses pas.

Ils se retrouvèrent devant la maison, en bas de l'escalier. Elle portait deux sacs de courses très pleins.

— Donne m'en un, proposa-t-il.

Elle hocha la tête comme pour le remercier et posa un de ses sacs par terre avant de commencer à monter. Il attendit qu'elle ait un peu d'avance avant de la suivre. Quand elle s'arrêta pour prendre la clé dans sa poche et ouvrir la porte, il était à quelques marches d'elle. Il put admirer sa silhouette longiligne avant de se rendre compte que la robe qu'elle portait ne mettait pas spécialement ses formes en valeur. Elle n'était pas maquillée non plus, se rappela-t-il. Rien ne montrait qu'elle avait cherché à le séduire. C'était une bonne nouvelle, même si sa propre conduite n'en apparaissait que plus fautive.

Une fois dans la cuisine, il déposa les courses sur la table et recula pour garantir un minimum de distance entre eux.

— Tu veux que je t'aide à ranger ? demanda-t-il.

— Merci, je vais me débrouiller. Je ferai le dîner.

— D'accord, fit-il ne sachant pas s'il devait se vexer de se faire chasser de la cuisine ou être soulagé de partager les corvées ménagères. Je vais m'installer pour lire sur le balcon, indiqua-t-il espérant qu'elle n'imaginait pas qu'il l'invitait à le rejoindre.

— J'ai prévu de faire une petite virée en moto, le renseigna-t-elle à son tour.

— Entendu.

Elle commença à remplir les placards. Il comprit le message et alla prendre son livre.


Peine incompressibleWhere stories live. Discover now