Chapitre 30 (partie 2) - Plan

1.8K 238 18
                                    

Dans le chapitre précédent :

« Pouvez-vous nous expliquer ce plan ? La libérer avec nous la tenons est... »

Eugène ne trouva pas de qualificatif qui ne viserait pas à m'insulter, donc il se tut. Je souris toujours, tandis qu'Onyx prit la parole.

« Si Régis est complice, il partira avec elle pour rejoindre le père d'Eugène. S'il ne l'est pas, il fera ce qu'Ambre a dit sans encombre. Il faudrait qu'on reste à des points stratégiques, puis qu'on suive la traîtresse dès qu'elle s'enfuit.

– C'est... commença Eugène sans voix.

– Ingénieux, » finit Adélaïde avec intérêt.

La jeune femme regarda mon frère avec un nouveau regard, puis le détourna quand Onyx la fixa. Je ris en voyant le rose sur les joues de la centauresse. Qui aurait cru qu'elle ferait preuve d'autant de timidité devant cet homme alors qu'elle en côtoyait tous les jours dans ce château ? Avec un peu de chance, elle commençait petit à petit à tomber pour mon frère. Une bonne chose pour elle et pour lui.

***

Régis sortit peu après du donjon où la jeune femme avait été prisonnière. Les bras croisés, il resta dans la cour intérieure face à la porte qui menait au pont-levis. Je retenais mon souffle en espérant qu'il ne suive pas la traîtresse.

« J'ai fait ce que vous m'avez demandé, » dit-il par le lien.

Je laissai échapper un petit cri de surprise. Il était difficile de s'habituer à ce lien où l'on pouvait communiquer. C'était comme un téléphone finalement, mais sans avoir la sonnerie. Certaines personnes seraient ravies de ne plus entendre la musique entêtante de leur portable, mais d'autres comme moi, préférais l'entendre un bout de temps avant de décrocher.

Je soupirai de soulagement puis lui dis de nous rejoindre en haut de la tour où nous étions postés. Dans la salle emmurée se trouvaient bons nombres de substances colorées dans des fioles ou vases. Je faisais bien attention de ne rien toucher sachant que dans les films, c'était le moment où il fallait qu'un ou une maladroite fasse tomber une fiole potentiellement dangereuse sur lui.

« Merci Prêtresse pour la plante. Maintenant Onyx et ses centaures devraient être en train de la suivre sans qu'elle ne s'en aperçoive, » dis-je avec un sourire en direction de la femme guérisseuse qui avait été discrète jusqu'à présent.

C'était ma faute, je ne voulais pas lui parler. Elle était dangereuse pour nous, les Changeurs de Destins. Je sentais qu'elle pourrait nous cerner et savoir d'où nous venions. C'était déjà étonnant qu'on ait pu dire à Adonis, Amédé et d'autres personnes que nous ne venions pas de ce monde, mais il était possible que les Moires acceptaient qu'on le révèle à nos amants et amis proches. Je me demandais si c'était pareil pour les autres mondes visités...

Ma réflexion fut arrêtée par l'homme d'Onyx. Toujours en centaure, il était celui qui était resté près de lui durant nos retrouvailles entre mon frère et moi. Il savait à propos des Changeurs de Destins, mais jusqu'à quel niveau ? Il faudrait que je demande à mon frère.

L'homme vigoureux croisa les bras en fixant le sol. Il semblait réfléchir ou parler par télépathie avec Onyx. Comme mon frère, il avait les cheveux foncés, mais ses traits étaient plus fins. Ses muscles ne ressortaient pas comme ceux d'Adonis, mais il avait ce charisme à tomber. Tous les centaures étaient ainsi en réalité. Ils possédaient cette prestance qui dominait la pièce. Et entourée de ces créatures fantastiques, j'étais envahie par cette force. Pas oppressante, mais pas loin de l'être.

Heureusement que Claire était absente. On avait convenu qu'il était plus sage qu'elle soit à l'écart du troupeau ; Amédé avait approuvé. Il était avec elle en ce moment, et s'occupait de mettre de l'ordre dans ce château. Quand Adonis ne pouvait pas surveiller tout le monde, surtout quand son fils était encore entre les mains du père d'Eugène.

Il pouvait mourir à tout moment, et même cette idée était effrayante.

« Onyx les suit toujours. »

La voix grave de Thaumas me fit sursauter. Il ne parlait pas souvent et quand c'était le cas, je ne pouvais pas empêcher de mimer la surprise. Je soupirai doucement avant de sentir les sentiments étranges d'Adonis par le lien. Étonnée, je le regardai pour ne voir que son visage renfermé. Son masque d'indifférence. Je comprenais cependant une chose, je l'avais blessé.

Avant que je ne puisse poser la question qui me dérangeait, la prêtresse nous tendit d'autres fioles de la plante qui permettaient de perturber les odeurs des centaures et autres espèces, ainsi nous serions aussi invisibles devant le nez des autres.

Mal à l'aise, je pris la bouteille qui m'était destinée puis m'aspergeai du liquide qui n'avait pas d'odeur sur mon corps. Toutes mes parties visibles en étaient imprégnées sauf mon visage. Les autres firent de même. Eugène avait aussi décidé de nous suivre malgré le fait qu'il soit humain et qu'il pouvait donc mourir facilement dans la cohue. Comme moi. Mais j'étais bien protégée avec Adonis.

Avant de sortir de la salle des potions colorées, la Prêtesse me jeta un regard appuyé en lançant une mise en garde.

« Faites attention à vos proches. »

Sa phrase résonna encore quand je montais sur le dos d'Adonis pour aller vers l'endroit où la traîtresse s'était réfugiée. Je regardai le dos de Thaumas qui galopait devant notre groupe. Adélaïde était déjà partie avec Onyx. Elle avait même insisté en détournant le visage, ça ne m'aurait pas étonné qu'elle eût été rouge écarlate en me parlant. Ces deux-là allaient bien s'entendre si la jeune femme s'ouvrait petit à petit. Mais je sentais déjà les disputes quand ils seraient à l'aise l'un avec l'autre.

« Finalement, Régis n'était pas un traître... commençai-je pour combler le silence entre nous.

Oui.

Adonis, qu'est-ce qu'il se passe ? Depuis qu'on était dans la salle des potions, tu agis bizarrement, exposai-je sans détour.

Tu... Tu fixais Thaumas. Plusieurs fois. C'est un très beau centaure en plus d'être loyal et un guerrier remarquable. Je l'ai souvent aperçu aux combats, mais il était toujours relégué à l'état d'un simple soldat.

Oui, je le regardais, mais j'étais dans mes pensées... Tout ce que tu dis est vrai, mais ça ne veut pas dire que je vais me jeter dans ses bras Adonis, » soufflai-je, comprenant ce qu'il ressentait.

Avec son visage scarifié, Adonis devait affronter le regard des autres et maintenant que j'étais présente dans sa vie, il pensait que je n'avais pas à être avec lui. Vibrante d'émotion, j'entourai son torse avec mes bras et lui soufflai ma vérité.

« Je ne sais pas si je t'aime Adonis. Avec tout ce qu'il s'est passé, c'est difficile de me rendre compte de mes sentiments, mais je suis sûre d'une chose. Je resterai avec toi quoiqu'il arrive. Je sais apprécier les hommes beaux, mais c'est toi que je choisis alors fais-toi à l'idée. »

Je souris contre son dos alors qu'il serra ses mains sur les miennes. Soudain, Thaumas s'arrêta. Surprise, notre course se figea aussi. De manière désorientée, il balaya les arbres du regard. Adonis demanda ce qu'il se passait, mais tout de suite après des hommes nous encerclèrent. Thaumas soupira avant de s'avancer vers eux. Avec de grands yeux, je le voyais discuter avec l'ennemi.

Tous ces hommes avaient des armes brandies contre nous.

« Thaumas ? » demandai-je, bouche-bée, mais il garda la mâchoire serrée.

Il nous avait vendus à l'ennemi. On allait tout droit vers le repère du père d'Eugène ou pire. L'extermination des centaures allait commencer. Je n'espérai qu'une chose, qu'Onyx ne soit pas tomber dans le piège de Thaumas... Parce que si mon frère mourait, je partirai aussi de ce monde et ce serait la fin étant donné que Zircon et Agathe n'étaient plus là pour aider les centaures.

Les Changeurs de Destins - Le Royaume d'HéliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant